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CATHERINE DE MÉDICIS

intolérable. Et le cardinal Granvelle lui faisait dire qu’il y avait quarante mille familles en France pouvant prendre ce chemin, ou qui du moins paraissaient susceptibles de quitter notre pays. Un vieil Espagnol, Menendez, pleurant un fils qu’il avait perdu en ces parages, reçut l’ordre de devancer la flotte de Jean Ribaut, avec six vaisseaux. Philippe II le chargeait de sa vengeance. Le Dieppois avait gagné l’Espagnol de justesse. L’Estuaire de Mai entendit ce dialogue : Messieurs, d’où vient cette flotte ? De France,

Que fait-elle ici ? Nous apportons de l’infanterie, de l’artillerie et du matériel pour un fort que le roi de France a dans ce pays et pour d’autres forts qui sont à faire. —

--— Etes-vous catholiques ou luthériens ? Quel est votre chef ? — Nous sommes tous des luthériens de la religion nouvelle, notre capitaine est Jean Ribaut. Et vous, qui êtes-vous ? — Mon nom est Pedro Menendez. La flotte est au roi d’Espagne. Il m’a commandé de vous pendre et d’égorger tous les luthériens qui sont ici. Les catholiques seuls seront épargnés ! Des jurons partirent avec les bordées. On manœuvra, un combat incertain fut livré. Et les compagnies espagnoles débarquèrent, embauchant des terrassiers nègres. Ils enlevèrent le fort de Saint-Augustin. Au fort de la Caroline, on brûla le matériel de guerre, les cuirasses, les piques, les casques, et les jeux de cartes où les luthériens remplaçaient le cœur par l’hostie et les autres figures par celles des saints. La forteresse de Saint-Mathieu fut de même rasée, et les blasons du roi et de Coligny grattés. Quant à la garnison, elle fut passée au fil de l’épée, et ceux qui avaient cru trouver le salut dans la retraite vers la plage furent égorgés. Combien étaient-ils ? Cent onze ou cent vingtquatre qui furent ainsi pendus, devant l’anse qui garda le nom du « massacre » et de la barre de Ribaut ». Le fort fut rasé, et les derniers colons massacrés au mois de novembre 1565. Telle est la nouvelle que Jean Ribaut, le fils, venait d’apporter à Moulins (6 janvier 1566). D gitized by