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CATHERINE DE MÉDICIS

l’Allier. Partout de beaux édifices des marchands, des bons artisans, de salubres fontaines et d’agréables jardins. A l’intérieur de la ville, les serviteurs de la maison de Bourbon avaient leurs demeures, reproduisant parfois un motif du château

une tourelle pointue, avec ses girouettes, offrait leurs blasons

à l’admiration des passants. C’était dans l’une de ces maisons qu’avait vécu le père de Michel de L’Hospital, médecin et confident de Charles de Bourbon, connétable de France ; et celui-ci l’avait fait son bailli de Montpensier, puis son auditeur des Comptes à Moulins. Une atroce injustice, la haine d’une femme à demi-étrangère, la mère de François Ier, avait précipité le connétable de Bourbon dans la révolte, et le père de Michel dans la misère, avec les aventures de l’exil. Mais dans l’exil et la misère, Michel de L’Hospital avait retrouvé la force du travail, le goût de servir, la prudence à concilier, et cette liberté de la pensée qu’on rencontre seulement dans le libre exercice d’un office avec la culture, les joies divines de la méditation et de la poésie, la satisfaction d’une conscience tranquille.

Le chancelier ne s’était pas rendu directement à Moulins, où le roi et la reine étaient arrivés dès le 21 décembre. Il avait été passer quelques jours dans sa maison, située à dix lieues de Paris, c’est-à-dire sur sa terre de Vignay, non loin d’Etampes. Il y avait, en effet, chez Michel de L’Hospital, un vrai terrien, un homme vigoureux, avec de fortes racines. Du paysan, il conservera la simplicité dans les mœurs, dans le costume, dénonçant le luxe des villes. Car il a fait ce rêve innocent, renouvelé d’un Caton, de vouloir transformer une nation en lui interdisant la soie et le luxe, en lui imposant quelques plats, en proscrivant les cuisiniers.

Le chancelier avait l’amour de la terre et des siens, l’habitude du travail sans repos. Sa famille était son vrai bien, formait son unique richesse. Pour l’enfant, il avait demandé le sein de la mère. La campagne nourricière, Michel l’avait toujours aimée, dans son Auvergne natale d’abord, où il avait passé ses vacances, même an temps où pas un bœuf ne labourait pour lui la glèbe fertile, quand pas un de ses troupeaux ne paissait dans la montagne ! Sur la terre de son beau-père, avec sa femme et ses filles, souvent Michel avait lu les poètes, les historiens, les magnifiques romans de l’histoire grecque. C’est dans le silence des champs qu’il


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