Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/364

Cette page n’a pas encore été corrigée
350
CATHERINE DE MÉDICIS

conduire le roi à Orléans, la cité qui était alors entre les mains des réformés.

350 Qu’allait faire l’amiral, jusqu’ici plus religieux que militant ? Il semble, au témoignage d’Agrippa d’Aubigné, qui rapporte la scène d’une manière inoubliable, avoir répondu encore une fois à l’inspiration de sa femme. C’était à Châtillon, quand deux heures après lui avoir donné le bonsoir, l’amiral fut réveillé par les chauds soupirs qu’elle jetait dans le lit commun. Il se tourna vers l’épouse et l’entendit qui lui disait :

« C’est à grand regret, Monsieur, que je trouble votre repos par mes inquiétudes : mais étant les membres de Christ déchirés comme ils sont, et nous de ce corps, quelle partie peut demeurer insensible ? Vous, Monsieur, n’avez pas moins de sentiment, mais plus de force à le cacher ? Trouverez-vous mauvais de votre fidèle moitié si, avec plus de franchise que de respect, elle coule ses pleurs et ses pensées dans votre sein ? Nous sommes ici couchés en délices, et les corps de nos frères, chair de notre chair et os de nos os, sont, les uns dans les cachots, les autres par les champs, à la merci des chiens et des corbeaux. Ce lit m’est un tombeau puisqu’ils n’ont point de tombeaux ; ces linceuls me reprochent qu’ils ne sont point ensevelis. Pourrons-nous ronfler en dormant, et qu’on n’entende pas nos frères, aux soupirs de la mort ?… Monsieur, j’ai sur le cœur tant de sang versé des nôtres ; ce sang et votre femme crient au ciel vers Dieu et en ce lit contre vous, que vous serez meurtrier de ceux que vous n’empêchez point d’être meurtris… >>

L’amiral avait répondu qu’en dépit des risques, des dangers, il irait à cheval trouver le prince de Condé, et les chefs du parti de Meaux.

Des amis, des voisins l’avaient suivi. Quand M. de Guise se montre si menaçant, il ne faut pas trouver étrange, comme il dit dans sa lettre à Catherine de Médicis, s’il allait rejoindre M. le Prince. Il n’avait d’ailleurs que quelques pistolets, personne de

sa garnison. On se retrouva à Orléans. Résister aux violences des ennemis de la religion chrétienne, qui tiennent le roi et la reine captifs, tel fut le thème des réformés qui vont créer pour cela une confédération unique. C’est leur sainte alliance à eux, une association pour délivrer la reine qui n’était pas une ligue ou un monopole déD gitized by