Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/362

Cette page n’a pas encore été corrigée
348
CATHERINE DE MÉDICIS

livres en français défendant les serments, les blasphèmes, trop ordinaires en France, et principalement à la cour. L’amiral mit des gens de bien pour gouverner et instruire ce que l’on appelait la « maison », et qui comprenait les serviteurs, les domestiques, les hommes d’armes, la mesnie comme on disait dans la geste. En peu de mois, la face de la maison de Châtillon parut tout autre. L’Esprit de Dieu, comme dit Hotman, semblait avoir fait de l’amiral un nouvel homme. Il parla avec de savants pasteurs, non seulement de la transubstantiation, suivant le langage de Sorbonne, mais de consubstantiation, de la présence de la divinité localement enclose en certain lieu. Puis le mystère de la Cène fut révélé à l’amiral, un jour à Vatteville, à la fin de la communion. Alors il n’y tint plus, et requit le pasteur d’avoir égard à son infirmit é. Ainsi il participa au mystère sacré. Rien n’est plus édifiant que la manière de vivre de l’amiral. Aussitôt sorti du lit, assez matin, ayant pris sa robe de chambre, il se mettait à genoux, comme tous les autres, récitait sa prière suivant la forme accoutumée aux Eglises de France, attendant l’heure du prêche qui se faisait « de deux jours l’un », avec le chant des Psaumes ; il donnait audience aux députés de l’Église, et employait le temps aux affaires publiques jusqu’à l’heure du déjeuner. Alors ses serviteurs et domestiques, hormis ceux qui étaient occupés à préparer le repas, se trouvaient en la salle, où la table était dressée, lui debout, sa femme à son côté ; s’il n’y avait pas prêche, on chantait un Psaume, et l’on disait la bénédiction ordinaire. La nappe ôtée, debout avec sa femme et les assistants, il rendait grâces lui-même, ou les faisait rendre par un ministre. Souvent, autour de la table, on voyait des capitaines et des colonels allemands. De même au souper, où avait lieu la prière, avec le chant des Psaumes.

De Châtillon était parti l’exemple à la noblesse française qui commença d’établir cette religieuse pratique, car un père de famille doit réduire les siens à une même règle. Et Hotman ajoute qu’une telle sainteté, une telle piété avait été admirée à ce point, même par ceux du parti catholique que, sans la crainte et l’horreur des tourments, des massacres, « la plus grande partie de la France se fût convertie à la même religion et discipline. »

Quand approchait le temps de la Cène, l’amiral appelait ceux D gitized by