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CATHERINE DE MÉDICIS

Le futur Henri III fut le champion de l’Amour, et le roi Char les IX celui de la Vertu.

Il y a sur la prairie vingt-cinq maîtres de camp à cheval, l’épée au poing, vêtus de toile d’or, choisis parmi les princes et grands seigneurs. Deux compagnies prennent part au combat, celle du roi et celle de son frère. La compagnie de Charles IX entra la

première. Et le roi parut sur un riche chariot, traîné par quatre haquenées blanches, au sommet duquel siégeait la déesse Vénus ; et plus bas se tenaient de jeunes enfants, costumes en Mercure. L’autre chariot, couleur d’argent, fit son entrée. Il portait Cupidon, le dieu de l’amour, et d’autres Mercures distribuant leurs faveurs aux dames de France et d’Espagne. Le combat

qui s’engageait devait durer trois heures ; il se termina par la réconciliation prévue de la Vertu et de l’Amour. Mélodies, ac

cords de la lyre, salves d’artillerie, feux d’artifices, rien ne man qua au divertissement.

La reine-mère, dont les cheveux commencent à grisonner, qui a tant de soucis, avait voulu rencontrer Philippe II ; elle n’avait

vu que « Madame sa fille », la Reine Catholique, à qui elle avait écrit tant de missives secrètes et de bon conseil.

Or Élisabeth parut à ces fêtes, fort à son avantage, sur ses

vingt ans, et assez jolie, bien qu’elle ne fût pas belle et souvent délaissée ; oui belle, celle —là sur laquelle les courtisans n’osaient pas jeter les yeux pour ne pas donner de jalousie à leur souverain,

comme le dit Brantôme. Sa taille, sa grâce à la fois espagnole et française, la gravité et la douceur de la fille de Catherine, nom mée ici la reyna de la paz y de la bondad, enchantèrent les assis tants.

Nous possédons encore le compte des dépenses de ces fêtes. Leur importance surprit les Espagnols dans un temps où l’argent était si rare ; mais c’est là encore un secret de Catherine de Médi

cis. Catholiques et huguenots estimaient en effet qu’on avait gaspillé trop d’argent en ces fêtes, plus même que dans la con duite d’une guerre.

Ces divertissements, que les Français eux —mêmes ne compre

naient pas, nous montrent déjà une ordonnance, le faste, et les costumes des ballets de cour que l’on retrouvera à Versailles. Ils nous indiquent encore la variété des plaisirs, tantôt simples et tantôt raffinés, où l’on passait des courses de bagues au com bat naval, du tournoi au carrousel, de la fête nautique à la