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SA HAUTESSE LE DUC D’ALBE

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de réserves : « Gardez-vous de mettre le duc trop avant dans le gouvernement, car par toutes les voies qu’il pourra, il prendra l’autorité, et ceci vous coûtera cher un jour ! » > (1543). Ce qui avait imposé le duc d’Albe, c’était sa discrétion, sa mémoire, la solidité du jugement, l’expérience qu’il avait des affaires, tant de qualités évidentes et reconnues de tous. L’antidote du duc d’Albe se trouvait dans la personne de Ruy Gomez de Silva, qui partageait avec lui, depuis 1559, le pouvoir et l’administration. Il suffisait de la protection de l’un pour encourir la défaveur de l’autre. De là, observe Soriano, le désordre, la lenteur des expéditions dans les affaires en Espagne. Car Philippe II s’était réservé les grâces, la politique extérieure ; il voyait tout, annotait les renseignements venus de l’Univers entier. Ses ambassadeurs n’étaient, comme ses ministres, que des agents d’exécution et des soldats. Mais le duc d’Albe ayant dépassé la cinquantaine, paraissait déjà « bien âgé » à un homme comme Tiepolo il était vieux surtout de son expérience, de son autorité, ayant éclipsé tous les autres conseillers. Il ne souffrait pas cependant qu’on lui donnât l’estime accordée à un autre. Il aurait voulu être fait par le roi le chef unique et suprême du gouvernement, comme l’avait été celui qui se disait son ami, le connétable de Montmorency, au temps de Henri II. De là, souvent, des plaintes de sa part, des façons hautaines de procéder, des départs brusques de la cour (il s’absentait trois ou quatre mois attendant qu’on le priât de revenir). Philippe II observait tout cela, notait en sa mémoire ces manières peu admissibles. Le manque de bons conseillers l’imposait. Le Roi Catholique avait besoin du duc. Il l’estimait plus qu’il ne l’aimait, usant de lui par nécessité, et non suivant son bon vouloir. Il savait, au surplus, que le duc d’Albe le servait parce qu’il se confondait à ses yeux avec Dieu lui-même. C’est pourquoi Philippe II endurait parfois de vertes réponses, comme celle concernant l’Escurial : « Que Votre Majesté ne pense pas qu’il soit suffisant pour remercier Dieu de ses bienfaits de cons truire une maison et une sépulture pour les corps morts, mais que Dieu veut avant tout que son nom soit connu et glorifié dans tous les pays du monde. » Le duc d’Albe prend noblement sur lui les responsabilités, les erreurs, les cruautés mêmes. Un observateur aussi averti que l’ambassadeur de Venise, Cavalli, a écrit à ce sujet au pape : « Votre Sainteté peut être certaine D gitized by