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UNE SAINTE ENTREVUE

— Madame, je suis accoutumé à vous parler toujours clairement. Je le ferai encore aujourd’hui. Dieu a inspiré Sa Majesté le Roi Catholique pour le déterminer de faire venir la reine d’Espagne aux fins d’une entrevue avec vous, sa mère, et avec le roi, son frère, afin qu’il en sorte un grand bien pour le service de Dieu, et surtout pour porter un remède au mal qui sévit dans ce royaume. Cette sainte entrevue réjouit les fidèles et désespère les mauvais qui cherchent à l’empêcher. Lorsqu’il y a deux ou trois jours, l’ambassadeur turc est arrivé pour voir le roi votre fils, non, je ne voulais pas croire que ce fût vrai. Mais on me l’avait certifié à Bordeaux déjà qu’il en serait ainsi. Voilà la porte ouverte à l’ambassadeur de Satan, cet envoyé de l’Enfer qui vient ici pour rompre cette sainte entreprise, et le bien qui en pourrait sortir. Mais avant d’écrire ceci à Sa Majesté, je voulais entendre de vousmême la confirmation du fait. La reine-mère sembla bouleversée par ces paroles. Elle fit éloigner les assistants :

Vous dites bien : l’envoyé de Satan ? Il y a quelques jours des navires turcs d’Alger ont approché le rivage de Provence ; ils ont fait porter à terre un Turc. Nous ne savons de la part de qui il vient, du Grand-Turc ou d’un autre ! Il n’a voulu parler qu’au roi mon fils. Je serais, comme vous, très peinée si cet incident pouvait rompre l’entrevue… Des larmes sortirent de ses gros yeux. Mais don Francès savait que Catherine pleurait facilement. Cependant il voyait bien qu’elle était dans une vraie peine. La reine reprit : — Les princes n’ont-ils pas le droit d’entendre les ambassadeurs d’un autre prince ?

— Certes, Madame.

— Mais comment ? En se souvenant de l’amitié et fraternité qui vous lie au roi d’Espagne. Cela, il vous l’a montré en maintes circonstances. Ce qu’il veut maintenant, c’est pour le bien de la foi catholique, pour la couronne du roi votre fils. Il est prêt à vous servir de toutes ses forces. Quant à vous, il vous plaît d’écouter d’une oreille la reine, votre fille, et de l’autre cet envoyé de Belzébuth ! Dieu ne permettra pas une pareille chose ! Catherine semblait une morte et le souffle lui manquait : Dès que j’ai su l’arrivée de ce Turc, j’ai été tellement ennuyée que je croyais devenir malade. Je ne sais qui est ce Turc, et d’où il vient. J’ai envoyé le baron de Lagarde et un autre pour D gitized by