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UN SÉJOUR À BORDEAUX

Les ambassadeurs étaient à Bordeaux tous logés chez des aubergistes huguenots.Celuidu représentant de l’Espagne senommait Villeneuve.Et don Francès dénonçait un Parlement en partie hérétique. Quelle ville curieuse devait être alors Bordeaux ! Et comment résister à son appel savoureux ? C’est un fait que Charles IX et Catherine de Médicis, arrivés le 1er avril, la visitèrent secrètement pendant plusieurs jours. On rentrait coucher au petit château de Thoars¹, à une lieue de la ville, tandis que le conseil préparait l’entrée. Le 9 avril, on s’embarqua sur la Garonne à Fraus pour gagner Bordeaux, sur les nefs préparées par les maires et jurats. Elles ressemblent à deux petites maisons. On s’arrête au-dessous du château Trompette. La ville se développait le long du port, qui affectait la forme d’un croissant ; et pour cela on le nommait le port de la lume. Au-dessus de la muraille pointent les clochers, et ceux de la cathédrale les dominent tous. La Garonne, en ce temps-là libre de ponts, formait comme un petit bras de mer où les galiotes de guerre et les barges évoluaient à la voile. Sept galions, avec autant de pavillons, avaient escorté la magnifique maison flottante du roi, quand il débarqua aux Chartreux, le couvent entouré de vastes jardins, en dehors de l’enceinte de la ville. Quant au roi de la Bazoche, il se tenait, lui, dans un esquif recouvert de coquilles de mer. On descendit au pied du château Trompette, faisant le coin de la ville et du port, et qui formait une bastille. Les nefs tirent des salves d’artillerie, et la famille royale prend place dans la galerie préparée pour entendre les harangues et assister à la revue des troupes. Bordeaux défilait, non sans quelque désordre, dans le tonnerre des coups de canon : car il semblait, comme dit un pédant, que Vulcain faisait jouer toutes ses flûtes pour foudroyer la ville ! Le clergé cherchait à passer le premier, ce qu’il n’arrivait pas à faire à cause de la multitude des soldats. On regardait les sergents à cheval suivis des présidiaux, des gens de l’Université, des graves conseillers en robe rouge, des avocats, des procureurs à cheval ou sur leur mule. Un trompette monté précédait la cohorte des petits enfants cavaliers, habillés de blanc, qui tenaient un drapeau aux armoiries de France et criaient : « Vive le roil >> Six capitaines menaient les enfants de la Cité, déployant leurs enseignes et portant la pique ou l’arquebuse : leur colonel était le 1. A Saint-Genès de Talence (abbé Baurein, Variétés, t. II, 1876).