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CATHERINE DE MÉDICIS

son du président Pierre Carles, oncle de la femme d’Étienne de la Boétie, aux couvents des Augustins et des Cordeliers, au collège de Guyenne dont les étudiants avaient embrassé le luthérianisme. Dans ce pays de soleil, de gaîté, du vin onctueux et robuste, on chantait cordialement les Psaumes. Les pouvoirs furent bientôt débordés. Burie, lieutenant du roi, n’osant quitter la ville, s’interposait entre les sectateurs des deux religions, les turbulents écoliers, les jurats qui perdaient la tête, les religieuses de l’Annonciade qui se défroquaient. La ville dans sa grande majorité demeurait cependant catholique. La noblesse y souhaitait un régime de tolérance, une représentation à l’anglaise. L’édit de janvier décevait cependant les deux partis qui allaient s’aborder. Les jurats n’auraient su l’approuver, dans cette ville frontière, habitée par tant de nations. Des rixes, des contestations s’élevaient continuellement au sujet des enterrements. Une ligue catholique, la première dans notre histoire, avait enrôlé et armé trois mille personnes, soutenue par le Parlement et par le gouverneur de la Guyenne ; le « syndicat », comme on nommait cette ligue, fut vainement dissous par les ordres de la reinemère. Un homme aussi modéré que Burie le constatait. Les réformés ne laisseront ni un prêtre, ni un moine dans la province : « Voilà bien le fruict qu’ont apporté les ministres en vostre royaume, et n’est que le commencement du mal. » Le nouveau gouverneur de la Guyenne, Monluc, se jeta, lui, dans Bordeaux à l’instant où les réformés allaient s’emparer du château Trompette et occupaient les murailles de la ville. Il fit la guerre la plus cruelle dans les campagnes voisines de Bordeaux, livrant une série de combats très sévères où il défit Duras, où les Gascons et lui-même massacrèrent les réformés, pendirent les ministres, violèrent les femmes huguenotes. Cette petite guerre, qui remplit l’année 1563, avait sauvé le catholicisme, et Monluc le croyait, la monarchie, à Bordeaux et dans la Guyenne.

Don Francès, qui séjournait dans la ville, attendant l’arrivée de la cour, l’écrivait cependant avec tristesse à Philippe II. A Bordeaux, l’hérésie avait fait de grands progrès. L’ambassadeur avait interrogé le curé d’une église sur l’état actuel de la religion ; et ce dernier lui avait répondu : « D’après mon livre paroissial, je puis vous démontrer que les deux tiers de mes paroissiens sont des hérétiques ! » C’était la proportion normale, selon lui, en France.