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MONLUC ET SES HOMMES

donné l’âme d’un demi-solde. Car la paix c’est le chômage et la misère du combattant ! Alors on l’avait vu, cherchant sa voie, qui fut si près de la Réforme, comme celle de son frère Jean, l’évêque de Valence, conseiller de Catherine de Médicis, et tenu pour un véritable huguenot par les Espagnols. Blaise de Monluc le fut en réalité, mais peu de temps, à Nérac, en 1560. C’est alors qu’envoyé en Guyenne avec Burie, Monluc observa le caractère si curieux de révolte sociale que prit la Réforme en cette province. Tandis que les buguenots de Marmande tuaient les moines, que les catholiques à Cahors tuaient les réformés, le seigneur de Fumel, ancien ambassadeur de France à Constantinople, était assassiné dans son château par les paysans ! Et quand les collecteurs royaux réclamaient le paiement des impôts, dans la campagne on leur montrait la Bible. Que d’audacieuses paroles s’élevèrent sur l’égalité absolue, d’après l’Evangile ! Les seigneurs catholiques n’osant plus sortir dans la campagne, se réfugiaient dans la ville de Toulouse. > 211

Monluc, à demi-huguenot, prit un parti devant le désordre et s’y tint celui de mettre son bras, unique, au service de l’ordre, et du catholicisme. Ce qu’il ne fit pas à moitié, mais en soldat et non en bourreau, sans cruautés inutiles comme le rappellent trop ses mémoires où le Gascon se vante. Monluc assura l’ordre dans Bordeaux, sauva à ce qu’il dit la Guyenne, et naturellement par là la couronne. Il aurait tout aussi bien servi l’Espagne, qui en fait le paya, et dont il fut l’agent. Il était prêt au besoin à faire la conquête du Béarn, à ramener prisonnière cette reine de Navarre, qui n’était pour lui qu’un jupon. Car M. de Monluc l’a dit sans fard à la reine-mère : impécunieux, il s’est jeté dans un « réseau d’intrigues peu utiles à l’Espagne et à lui deshonorantes ¹ ». Car il fut, comme plus tard Henri de Guise, un pensionné. Qu’importe, l’argent anglais a tant joué dans l’autre camp ! Le château en Espagne de M.de Monluc sera la retraite dans un prieuré de la montagne, à la frontière, là où l’on découvre à la fois l’Espagne et la France. C’est bien cela, M. de Monluc lui-même, devenu maréchal de France, défiguré par une nouvelle arquebusade (la septième), dégoûté de tout, accablé de misères physiques, et qui avait vu la guerre se venger sur lui, en lui prenant ses fils ! Il dira 1 I. Un si grand nombre de documents du fonds de Simancas le prouvent qu’il est inutile d’insister. D gitized by