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UN SÉJOUR À TOULOUSE

nèrent l’assaut aux cris de : « Vive la croix ! » On compta plusieurs milliers de morts. Le 18 mai, les compagnies de Monluc étaient maîtresses de Toulouse. Le temple fut brûlé ; on pilla des maisons où s’exercèrent des vengeances particulières. Trois à quatre cents huguenots furent exécutés. L’arrêt du Parlement dut enregistrer les lettres de pardon du roi relatives à ces faits abominables. Le cardinal d’Armagnac, comme lieutenant du roi, fit son entrée dans la ville qu’il chercha à pacifier dans un esprit catholique ; et autour du palais, pour l’isoler, il fit construire une clôture. Toulouse, refuge des gentilshommes terrorisés dans les campagnes, séjour du Parlement intolérant, devint un bastion de la résistance catholique, où l’on vit naître la première Ligue, dite association (2 mars 1563). Ce n’est pas cependant cet aspect de Toulouse qui devait retenir don Francès de Alava quand il y vint pour attendre la cour dès la seconde moitié de janvier 1. Doué d’un flair aussi subtil qu’un chien du Seigneur, l’ambassadeur flairait à Toulouse l’hérétique : ils sont au nombre de trois mille, nous dit-il, et sur cinq présidents trois sont hérétiques ; on pourrait en compter autant parmi les conseillers et les notables. Don Francès fut invité par les recteurs et les maîtres de l’Université à la fête de saint Sébastien où les étudiants, suivant une coutume ancienne, portaient les reliques du martyr à travers la ville. Bien qu’ils fussent tous priés a’y assister, pour honorer l’ambassadeur d’Espagne, sur les deux mille huit cents étudiants de Toulouse, huit cents demeurèrent absents. Parmi ces étudiants, vingt étaient sujets espagnols, aragonais et catalans. Ceux-là, l’ambassadeur le reconnaissait, vivaient catholiquement. Ici, don Francès dressait la liste des Espagnols habitant Toulouse, catholiques et suspects (un renseignement toujours utile au grand inquisiteur d’Espagne). Et don Francès dîna à Toulouse avec le cardinal d’Armagnac. On parla de la religion. L’ambassadeur ne lui cacha pas sa peine, puisqu’il se disait un de ses amis, de le voir accueillir dans sa maison des réformés aussi bien que des catholiques : « C’est vrai, et vous aviez raison de m’avertir à Valence que je serais trompé. Mais c’est la reine qui veut que cela soit ainsi. Je vois clairement dans ce royaume la religion perdue. Mais je ne suis ici qu’un pauvre hommet »

1. Sa première lettre datée de Toulouse est du 18 janvier 1565. D gitized by