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CATHERINE DE MÉDICIS

Carcassonne, hommes, femmes et enfants, rentrèrent difficilement dans leur ville six mois après ces tristes événements. Cette affaire illustre, dans un raccourci saisissant, ce qui s’était passé un peu partout, nous montrant les haines particulières, les clans, une populace excitée, empressée surtout au pillage, tuant indistinctement, volant toujours suivant le mécanisme habituel des bagarres.

204 On rougit d’avoir à évoquer ces déplorables scènes, dans le décor héroïque de la « Ville » et de la « Cité », et d’y trouver des cœurs plus durs que les pierres. Regardons le roi monter, le 12 janvier, vers la haute Carcassonne (la Cité), dont l’enceinte est double et se hérisse de tours. L’usage se conservera longtemps de déposer les armes avant d’y entrer. Et sur une des pierres de la muraille, on montrait le portrait de la femme qui s’était opposée à ce qu’on livrât Carcassonne aux Sarrasins.

On pensait, le lendemain (13 janvier), descendre dans Carcassonne, qui est la ville basse que l’Aude ceint en partie. Mais il arriva que la neige tomba, et en telle abondance que personne ne put sortir de la Citél Ainsi elle s’amoncela pendant dix jours, recouvrant de plus de quatre pieds la campagne que l’on apercevrait au loin toute blanche. Alors, comme il fallait passer le temps, on construisit dans la cour, devant le logis du roi, un bastillon de neige. Et ceux de sa maison furent chargés de le défendre contre ceux des deux villes, la haute et la basse Carcassonne. Les gens de la Ville durent se retirer, naturellement, et bien battus. Un autre combat fut donné entre les pages et laquais de la maison.

La neige fondit, suspendant ces jeux. Alors Charles IX descendit de la Cité, le 22, pour faire son entrée dans la basse ville, fortifiée elle aussi, où il devait demeurer quatre jours. Mais la neige y avait écrasé les arcs de triomphe, et gâté tous les autres préparatifs ! Les treize compagnies des quartiers (onze cents hommes) jalonnaient les rues droites où s’élevaient les maisons de bois dans les faubourgs des Cordeliers et des Jacobins. A la porte des Jacobins, on avait dressé une tente de velours rouge, doublée de satin blanc semé de fleurs de lys. Et dès que le roi parut, Bellissent, seigneur de Melun et viguier de Carcassonne, s’avança à la tête de cinq cents jeunes gens, habillés de bleu et montés sur des chevaux, jusqu’à l’arc qui partageait le vieux Pont. D gitized by