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CARCASSONNE SOUS LA NEIGE

demeure. Le juge mage se sauva de maison en maison, de jardin en jardin. On pilla surtout huit logis, dans une telle précipitation que les séditieux coupèrent les draps avec leurs dagues, chacun emportant son lambeau. André, le bourreau de la ville, se distingua entre tous, celui qu’on vit par la suite marcher devant Guillaume de Joyeuse, tenant son épée à deux mains : il « escorcha cinq de ceux qu’on avoit tués, mangeant le foye de l’un, et scia tout vif un pauvre homme qu’il haïssait de longue main à cause de la religion ».

La sédition ne fut nullement réprimée. Le viguier du roi ayant arrêté trente-deux personnes, cinq furent condamnées à mort. L’évêque de Carcassonne ordonna cependant des quêtes en leur faveur ; l’arrêt condamnant les séditieux fut cassé au Parlement de Toulouse. « Et tout demeura impuni » >. C’est au milieu de ces orages que l’édit de janvier 1562 tenta de ramener un peu de calme en fixant le statut de la religion réformée. Vignaux, le pasteur, autrement dit Masson, se présenta au viguier de Carcassonne pour organiser le culte hors des murailles. Ce jour-là, les catholiques répondirent par une procession générale, portant l’hostie comme à la fête du Saint-Sacrement ; deux cents habitants de la ville, renforcés par trois ou quatre cents paroissiens voisins, occupèrent les portes de Carcassonne. La ville basse et la ville haute se levèrent en armes, sous le commandement de leurs magistrats. Et quand, le prêche terminé, les réformés voulurent rentrer dans la ville, ils furent reçus à coups d’arquebuses, de traits d’arbalètes, de pierres. Ils se rangèrent alors devant l’Hôpital de la peste, envoyant prévenir en toute hâte M. de Crussol, gouverneur de la province. Pour se protéger, ils durent se retrancher derrière des gabions improvisés, vu qu’on avait pointé contre eux, sur les murailles, l’artillerie. On parlementa ainsi quatre jours, du 15 au 19 mars 1562. Puis les gens de Carcassonne ouvrirent le feu, faisant sonner les tambours et les trompettes. Les huguenots retranchés s’empressèrent de prendre la fuite à travers les faubourgs ; rencontrés au bout du pont, par ceux de la Cité, ils eurent trois hommes tués et d’autres blessés. Quant à ceux de la ville basse, envahissant la maison de Jacques Sabatier, réformé, ils le tuèrent avec son fils et trois ou quatre autres. De cette « victoire », les gens de Carcassonne firent une fête avec procession pour en conserver la mémoire. Deux à trois cents personnes de