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CATHERINE DE MÉDICIS

Mais Charles IX parut dans son habit bleu brodé d’argent, de même que Mme Marguerite. Quant au duc d’Orléans, Henri, il portait son habituel habit noir. « Mais le plus noir de tout cela, dira en plaisantant don Francès, c’est de voir la faiblesse des catholiques ».

Damville était venu lui parler discrètement, déclarant qu’il n’osait pas lui rendre visite. L’ambassadeur répondit :

— Moi non plus je n’ose pas vous demander pour ne pas vous nuire.

Le comte de Villars s’approcha. C’était là un trio de purs. Carnavalet s’étant avancé, ils se turent. Enfin ils purent reprendre :

— Le Roi d’Espagne fait tort au service de Dieu en laissant tomber si bas la foi catholique dans le royaume !

L’ambassadeur pouvait bien relever ces paroles, affirmant que Sa Majesté Catholique donnerait toutes ses forces et sa vie pour le service de Dieu.

La chose était vraie. Nul ne saurait mettre en doute la sincérité de la foi de Philippe II, un moine qui régnait. Nous avons son mot : « Plutôt ne pas régner du tout que de régner sur les hérétiques ! » Il ne serait pas le « seigneur des hérétiques ». Mais en pratique, il agissait avec plus de souplesse, toujours dans ce qu’il croyait être l’intérêt de son peuple, contre les grands et la féodalité, instruit par l’expérience. Il avait rêvé de convertir l’Angleterre avec le cardinal Pole. Il devait se résigner à être cependant le seigneur des hérétiques en Flandres, et ne tenta pas de convertir la France, mais de la diviser.

Or M. de Villars reprit avec force :

— Votre maître nous a fait du tort !

Damville demanda à don Francès :

— Savez-vous ce qui s’est passé avec le chancelier ?

La conversation fut encore interrompue, car les « Nicomédistes » entouraient les causeurs.

Voici ce qu’il convient d’entendre par les « Nicomédistes », suivant don Francès : « On appelle ici les Nicomédistes[1] ceux

  1. Les tièdes, contre lesquels s’était élevé Calvin. « Les uns donc qu’on appella depuis Nicomedites, maintenoient qu’on pouvoit aller à la messe, pourveu que le cœur n’y consentist pas », a écrit Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique, éd. G. Baum et Ed. Cunitz, t. I, p. 66. Il est curieux de trouver ce mot dans la bouche d’Alava. Il l’a recueilli certainement à la cour.