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CATHERINE DE MÉDICIS

l’avait dit : « Si la reine réduit à son service l’amiral et M. d’Andelot, elle n’aura plus de motifs d’ennui pour l’avenir. »

Comme il arrive souvent chez nous au moment de se mettre en route, ordres et contre-ordres se croisaient. On disait que le roi et la reine allaient se rendre directement à Montpellier. Le bruit courait aussi qu’on retournait en Avignon. Nouvelles qui devaient bien amuser Philippe II qui, lui, savait où il allait. Le connétable, sans doute pressé de rentrer et fatigué, cherchait à persuader à la reine que le mieux serait d’arranger les affaires de Lyon ; car « cette ville est la bourse de la couronne de France et la pierre d’aimant du pays, attirant à soi les métaux des Indes et de l’Espagne ». Déjà on écrivait aux marchands de rentrer dans la grande ville où la peste avait presque complètement disparu avec les chaleurs. Et don Francès recevait la visite du Rhingrave, colonel des Allemands, qui n’ayant plus de quoi vivre, cherchait à vendre ses biens de Lorraine et peut-être à se faire pensionner par Philippe II, à s’établir en Flandres où il se retirerait : — « Soit, mais baptisé, confessé et communié en ma présence », avait répondu l’ambassadeur d’Espagne. Le Rhingrave partit d’un éclat de rire : « Je vous assure, je suis moins hérétique que plusieurs que vous connaissez bien en Flandres ! »

D’autre part, les nouvelles de la Corse semblaient meilleures. Une lettre du doge de Gênes, en date du 6 décembre, renseignait don Francès. Parler des injustices commises envers Sampierro, c’était oublier la scélératesse des révoltés ; car les Génois prétendaient avoir agi en naturels seigneurs et par douceur. Il n’était plus temps de chercher d’ailleurs un compromis, qu’eût accordé à son heure Philippe II. Il fallait autre chose que des paroles pour pacifier l’île.

Le mois passé, vingt-deux galères avaient appareillé pour la Corse, dix-neuf appartenant au Roi Catholique, et trois au doge. Elles avaient débarqué 2 500 fantassins espagnols qui, dès leur arrivée, attaquèrent Porto Vecchio. Stefano Doria avait occupé la forteresse avec six compagnies italiennes et trois allemandes. On augurait un bon succès pour la suite, bien que Corte, occupée d’abord par les forces espagnoles, se fût rendue aux partisans. Bientôt le marquis de Pescara allait se rendre dans l’île, avec 10 000 fantassins espagnols, suivant la volonté du Roi Catholique, afin de pacifier la Corse. Achille de Campobasso venait d’abandonner Sampierro : d’autres chefs suivraient cet exemple.