Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/186

Cette page n’a pas encore été corrigée
172
CATHERINE DE MÉDICIS

Les Génois étaient les banquiers de Philippe II (le roi d’Espagne faisait encore, en ce temps-là, honneur à sa signature), et André Doria mettait à sa disposition ses dix-neuf galères. Les Génois, aussi détestés que les Juifs, étaient depuis le traité de Cateau-Cambrésis, possesseurs en nom de la Corse qu’ils avaient mise à sac ; Sampierro des Ornano avait soulevé l’île contre eux. Le pape Pie IV allait-il acquérir de Sampierro, la Corse, et par là sauver son entreprise ? Le projet donnait à rire au duc de Savoie et au cardinal de Guise. Mais le cardinal de Bourbon le prenait très au sérieux : « Ne riez pas, il y a beaucoup de vrai dans tout cela ; vous n’avez qu’à aller voir la reine et vous verrez ce qu’elle vous diral » Et le comte de Fiesque, grand ami de Sampierro, était en effet parti pour Rome. Les espions de Gênes veillaient à Marseille. Par eux nous savons que Catherine faisait dire au fils de Sampierro, de ne pas se montrer à Marseille, tant que la cour y séjournerait, afin de n’être pas arrêté. Le fils de Sampierro faisait acheter des armes et du fer à Milan et à Lyon ; des barques partaient d’Antibes pour la Corse, chargées de poudre, de plomb, de munitions. Le connétable de Montmorency lui-même avait eu un entretien avec un envoyé de Sampierro. Ainsi le secours de la France ne manquerait jamais à la Corse ; et l’on prêtait au baron de Lagarde, vieil homme de mer expérimenté, l’intention de passer dans l’île avec deux galères et trois cents banditi. Tel était le complot, supposé ou réel. Et don Francès pensait, non sans raison : « La reine agit sans beaucoup de sagesse ; il y a toujours des flatteurs à ses oreilles ». La principale instance des gens de Provence sera, non la religion, mais toujours les affaires, le maintien des relations avec leurs correspondants d’Afrique. L’ambassadeur en pouvait donner un exemple. Un marchand de Marseille était venu se plaindre à la reine que les Catalans lui avaient pris un navire, car il faisait commerce avec les Maures. Pour faire plaisir au consul et aux autres Provençaux qui l’accompagnaient, la reine joua l’indignation, disant devant M. de La Mothe-Fénelon ¹ qu’au besoin elle romprait la paix avec le Roi Catholique, car les gens de Provence pouvaient très bien faire commerce avec les Turcs, et que 1. Sans doute le secrétaire de M. de Saint-Sulpice, l’ambassadeur de France.

D gitized by