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DANS LES JARDINS D’ARANJUEZ

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encore, ils la demandaient à Sa Majesté qui l’accordait très facilement. Nul besoin de la réclamer deux fois. Car Sa Majesté écoute avec beaucoup de bienveillance, et ses réponses demeureront toujours courtoises, mais générales. Si les choses sont d’importance, et qu’il faille avoir une réponse précise, il renvoie l’ambassadeur au duc d’Albe ; et si le duc est absent, à Ruy Gomez. Alors il faut attendre encore leur réponse. Sa Majesté aime beaucoup le calme ; et souvent à l’improviste, contre toute attente de ses ministres, il quitte la cour, avec cinq ou six chevaux, et se retire en un lieu solitaire où il passe un ou deux jours tranquillement, et en repos. Il habite volontiers Madrid, qu’il aime, surtout parce qu’il a dans les forêts voisines deux palais, le Prado et Aranjuez où il va très souvent, restant là sans vouloir s’occuper des affaires, ni de rien qui puisse troubler sa quiétude. C’est la plus grande récréation de Sa Majesté qui n’aime ni les chasses, ni les tournois, comme la plupart des princes. Le roi a beaucoup de goût pour les femmes avec lesquelles il passe souvent le temps, en ces deux endroits. En Flandre, il avait eu d’une jeune fille de Bruxelles une fille qu’il avait fait élever en secret. Rentré en Espagne, il en eut une autre de doña Eufrasia de Guzman, dame d’honneur de sa sœur, qu’il fit élever aussi. Eufrasia fut dotée et mariée au prince d’Ascoli, de sa chambre, qui eut le privilège de rester couvert devant lui et de s’asseoir sur le banc des grands. On en parla beaucoup, et l’on voyait bien que le roi ne voulait se séparer d’elle. Les deux frères d’Eufrasia étaient gentilshommes de bouche, bien que de petite maison. Le roi n’entre pas au conseil, et il fait traiter les affaires les plus importantes dans sa chambre. Il s’en remet beaucoup à ses conseillers et intervient très rarement dans les affaires de justice, si ce n’est pas très grave. Il signe de sa main toutes les expéditions, et n’importe quelle petite affaire. Soranzo disait par exemple avoir vu le don de vingt ducats avec son paraphe. Le roi met sa signature sur tous les paiements, et sur toutes les autres affaires, même insignifiantes. Il le fait pour deux raisons : l’une est qu’il ne veut pas donner largement, l’autre qu’il n’a pas confiance dans ses ministres, surtout en ceux qui s’occupent des finances. Aucune provision de ses ministres n’est valable si elle n’est pas signée par lui. Il procède avec la même chicheté pour ses dépenses ordinaires ou extraordinaires, car il veut mettre ses revenus en ordre. Le roi apprécie ceux qui lui conseillent de ne pas donner. La cour l’a D gitized by