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CATHERINE DE MÉDICIS

sabeth vivait d’une manière très retirée, demeurant des jours entiers sans sortir de ses chambres. Sa maison n’avait rien d’une maison de reine. Son majordome est don Juan Manrique, sans qu’elle ait aucun officier de grade ni d’importance. L’ambassadeur de France avait présenté plusieurs instances du roi son frère pour qu’on lui accordât une maison plus convenable. Mais aucune réponse n’avait jamais été donnée à ses requêtes. La Reine Catholique n’avait le pouvoir d’accorder aucune grâce. Mais ce qui désole sa jeunesse, c’est que le roi ne lui ait pas donné le plaisir, comme elle l’eût voulu. Il a fallu la cruelle maladie pour les rapprocher un peul Elisabeth tient si petite place, et dans son cœur et à la cour. Car lorsque le roi la quitte, ce qui arrive souvent, il ne l’emmène que rarement avec lui ; et lorsqu’il se trouve avec elle, Sa Majesté, la plupart des nuits dort sans elle. Pendant la journée il la voit rarement. Elisabeth mange toujours seule, demeurant avec ses serviteurs espagnols, hommes et femmes, ce qui lui donne grand déplaisir. Personne de sa nation n’est auprès d’elle. Si l’on ne compte pas la dignité royale, elle n’a pas vraiment le moindre contentement. Or malgré ces raisons de chagrin, la reine n’en parle jamais, se montrant toujours sí désireuse de satisfaire le roi, de vouloir tout ce qu’il veut. L’année précédente, lors des Cortès de Monçon, elle avait fait tout ce qu’elle avait pu pour qu’on l’y amenât. Elisabeth avait demandé à son mari, avec des larmes, de lui laisser voir les Cortès. Et Philippe l’avait tenue dans cette espérance, la confiant au cardinal de Burgos qui devait l’y conduire. Mais ce fut en vain. Il fallut qu’Elisabeth eût été sur le point de mourir, pour que Philippe II montrât du moins des signes évidents de sa douleur. Mais certains croyaient savoir que depuis sa convalescence, il avait fait ce qu’il fallait pour qu’elle eût un fils. Oui, pauvre Elisabeth, si dévouée au roi, à l’héritier qu’il attend et qu’il doute de pouvoir lui donner, si rarement aimable, qui n’a connu les caresses et l’affection qu’au seuil de la mort. Avec cela la gêne, car la dépense de sa maison, qui monte à quatre-vingt mille écus, est payée par les ministres avec tant de retard ! Quel homme est donc ce Philippe II, où les romantiques ont vu le tyran, et qui n’est qu’un pacifique bureaucrate, un lent travailleur, un moine, un homme qui semble dormir et dort beaucoup, aimant par-dessus tout la solitude et le repos, que l’on gouverne D gitized by