XXV
DANS LES JARDINS D’ARANJUEZ
n ces jours apaisés d’octobre, dans ce grand désert de terre
brûlée qu’est alors la Manche, Philippe II au palais d’Aranjuez,
et dans ses agréables jardins sur les bords du Tage,
trouve une oasis favorable au repos qu’il aime et à l’apaisement
de la fièvre qui vient de l’accabler. Il se sent vraiment mieux ; et
la reine Elisabeth, son épouse, fait elle aussi, de jour en jour, des
progrès. Bientôt, les médecins l’assurent, Elisabeth pourra être
de nouveau la femme du roi d’Espagne. La maladie de la Reine
Catholique a mis plus d’intimité dans la famille. Philippe II a
demandé à son épouse d’écrire directement à sa mère, au sujet
des négociations en cours, sans en rien dire à l’ambassadeur de
France, M. de Saint-Sulpice. Ce qui ne peut que réjouir Catherine
de Médicis qui se méfie aujourd’hui de don Francès, et préférait,
elle aussi, correspondre directement avec son gendre.
Pauvre Elisabeth, qui vient d’avoir vingt ans ! Elle n’est, au témoignage de l’ambassadeur vénitien Giovanni Soranzo, « ni grosse, ni grande, et son visage n’est pas très beau ». Une Valois Médicis ! Mais son corps est proportionné en toutes ses parties, et plein de grâces à cet égard. Elisabeth montre du moins un esprit très rare, artiste, d’une belle foi ; le monde admire chez elle une sagesse et une prudence qui dépassent son âge. La Reine Catholique est aimée du roi seulement en apparence, et sans participer à sa vie et aux affaires, comme il eût été convenable. Elle demeurait sans autorité dans sa maison, où elle n’avait même pas le pouvoir de retenir aucune personne à son service. Car tous ceux qu’elle avait amenés de France avaient été congédiés. Ainsi Eli-