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CHEZ LE CARDINAL DE TOURNON

« Je vous renvoye votre robbe, laquelle m’a bien servye, vous remerciant bien humblement. Regardez quelquefois la paincture de la pauvre Memyne, laquelle n’a consolation qu’en son miroir : et m’est avis qu’il pleure comme moy. Je vous envoye une saincte Marguerite, ung sainct Loys que j’ay painctz Cordelier, et la patience de Job comme estant fort propre, et ung cœur. Gardez le pour l’amour de moy, et en donnez ung à Bourdeille et à Guitinières[1]. Je vous baise les mains à tous trois, mil et millions de foys. Ceulx qui ont dict que je médisois des filles ont menty ! »

Le dernière lettre à Condé se terminait sur un appel qui montre que Mlle de Turenne n’était peut-être pas dupe des déclarations enflammées de M. le prince, aussi peu constant en amour qu’en religion. Le veuf était en effet fort occupé, en ces jours, de monnayer, si on ose dire, le sentiment qu’il avait inspiré à la veuve du maréchal de Saint-André, qui lui laissera ce magnifique château de Vallery[2], qui resta l’une des habitations favorites des princes de Condé.

Isabeau de Limeuil demeura quelque temps prisonnière à Tournon, puis à Vienne où, le 19 juillet, eurent lieu les confrontations. Les Guises, comme les Châtillons, faisaient tout pour remarier le prince de Condé les uns, avec la fille du Palatin, afin d’affermir la religion réformée, les autres avec une nièce du cardinal de Lorraine, pour faire de lui un catholique. Catherine de Médicis entreprenait même la veuve de François de Guise, pour la donner comme épouse à Condé, compromis dans l’assassinat de son mari ! Étonnante illusion de Catherine, qui en avait tant, lorsqu’il lui semblait nécessaire d’arranger les choses ! Mme de Guise répondit avec hauteur qu’elle n’épouserait jamais un homme traître à son Dieu et à son roi.

On peut croire que la Limeuil, inconsolable dans ses épîtres, travailla même dans ce sens, lorsqu’elle revit, quelques mois plus tard, le prince ; sans doute pensait-elle se réhabiliter ainsi aux yeux de la reine-mère qui désirait tant faire de Condé un catholique.

Aucun de ces projets ne réussit d’ailleurs.

  1. Bourdeille, parente de Brantôme, et Guitinière étaient, comme Mlle de Limeuil, demoiselles de cour.
  2. Dans le département de l’Yonne. Et pas mal d’argent 30 000 ducats dira l’Espagnol et 6 000 de rente. Plus loin il parlera d’une petite ville de 4 à 500 000 ducats de rente.