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CATHERINE DE MÉDICIS

De ce même monogramme, et des mots : « Fin à la mort ! » était signée la lettre que Mlle de Turenne remit à Basque, pour le prince de Condé.

Mais on a le sentiment que la Limeuil était bien inquiète. Elle suggérait en effet à son amant d’écrire à la reine-mère une lettre fort « pitoyable » pour lui demander son propre pardon : qu’elle veuille bien se contenter des ennuis que le prince portait, sans vouloir permettre à ses ennemis d’en faire un trophée. Isabeau disait encore l’extrême envie qu’elle avait de voir celui qu’elle adorait et honorait plus que jamais, lui demandant de lui écrire, de ne point abandonner celle qui voulait vivre et mourir avec lui.

Une autre lettre, plus désolée, fut écrite sur le chemin de Mâcon, alors que la pauvre Turenne ne savait ce qui allait advenir d’elle. Elle était sans argent, et suppliait encore le prince d’intervenir auprès de Catherine, « afin qu’elle ne me mete en lyeux ou je fuce prysonnyere pour le reste de ma vye… »

Cette lettre touchante commençait par ces mots : « Hélas ! mon ceur, ayés pitié de votre pauvre créature quy souffre tant pour vous avoir aymé plus que moy mesmes, vous asurant mon aflycsion ne me sera que plesir pourveu que vous ayés souvenanse de moy, et que je soys si heureuse que vous n’émyés ryen que moy-je ». La lettre désolée se terminait ainsi : « Hélas, mon ceur, ayés pityé de sele quy vous ayme plus… »

Claude Gentil, homme de chambre de la reine-mère, chargé par elle de surveiller Mlle de Turenne, en fut tout apitoyé. Elle ne semblait pas pouvoir vivre longtemps en cet état, « sy une femme doibt mourir de mélancolie » ; à voir son visage, il semblait qu’elle dût passer incontinent, ajoutait le surveillant tout ému.

Mais Mlle de Turenne savait intéresser ses amis avec tant de grâce qu’il se peut aussi qu’elle ait été une fort habile comédienne. On croit le deviner lorsqu’elle écrivait à Du Fresne, le secrétaire. Dans une épître charmante, datée du couvent des Carmélites d’Auxonne, elle lui renvoyait sa robe, afin de ne pas exciter la jalousie de Condé, en lui adressant des images qu’elle avait peintes, et le cordon qu’elle avait tressé de sa main : « Si n’est si beau que je vouldroys, excusez la pauvreté de sainte Claire ! » La prisonnière s’élevait contre la rudesse des pauvres « soudards » qui la gardaient, et n’avaient d’ailleurs pas plus d’argent qu’elle, n’étant pas payés, comme il arrive aux soldats. Ils la traitaient comme si elle eût mérité la mort, la pauvre !