Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
116
CATHERINE DE MÉDICIS

vait des lettres de menaces anonymes, l’avertissant que si elle voulait vivre, il lui convenait de suivre les conseils de ceux qui avaient le plus de prudence et d’expérience, et non pas ceux des « gens légers ». Or, malgré les ordres donnés par le connétable à ceux qui gouvernaient Lyon, de ne pas faire de prêches durant l’absence de la reine, on en tenait dans cinq ou six endroits où étaient assemblés plus de 8 000 personnes, au mépris de l’ordonnance de Charles IX. On avait même arrêté certains des assistants qui se proposaient de la tuer.

Telle était l’autre peste, on le voit bien, aux yeux de don Francès, à peine moins terrible que celle qui avait cependant et chassé la cour, et vidé la ville.

En hâte, ceux qui avaient la lourde charge d’administrer Lyon, prirent les procédés classiques de sauvegarde sanitaire.

Les mesures de prophylaxie avaient été arrêtées le 3 juillet. Un petit imprimé fit connaître à tous les précautions à prendre. Les personnes touchées par le mal devaient être mises à l’hôpital. Les gens de qualité étaient seuls autorisés à demeurer dans leurs maisons. Les corps devaient être enlevés la nuit pour assurer les enterrements, les vêtements des malades brûlés. Le gouverneur de Lyon recevait tous les jours les rapports de l’Hôtel de Ville. Un médecin, et quatre maîtres, visitaient les malades dans les maisons. Comme cette calamité venait, le plus souvent, du manque de propreté, la ville fut aussitôt nettoyée. Il était enfin recommandé aux habitants de prendre leur eau dans le courant du fleuve et non pas vers les berges. Et des inspecteurs de vivres furent chargés de se rendre compte de la qualité des comestibles. Tout ce qui apparaîtrait avarié serait jeté dans la Saône.

En ces jours chauds de juillet, Lyon sembla bientôt la ville la plus misérable, la plus « inhumaine » qu’on eût jamais vue. Smith, l’ambassadeur d’Angleterre, déclare avoir trouvé parfois un ou deux morts dans la rue, devant sa maison. Et ses serviteurs, en se rendant aux provisions, rencontraient jusqu’à dix ou douze cadavres qui restaient sur la voie publique et y demeuraient jusqu’à la nuit, attendant que les fossoyeurs, vêtus de leurs habits jaunes, vinssent les chercher.

La place manqua bientôt pour les enterrer tous. On les jeta à la rivière, car la Municipalité de Lyon ne pouvait assurer les frais d’enterrement les plus minimes. Une maison, sur trois, était alors frappée de la peste.