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CATHERINE DE MÉDICIS

visites. Il était à Lyon, le peintre à la mode, comme Jean Clawet, que nous nommons Clouet, le fut à Paris. Corneille de La Haye, dit de Lyon, était, comme Clouet, un flamand. L’un avait tiré gloire et réputation dans la capitale avec les dessins charmants, élégants et précis qui lui servaient à peindre de petits portraits. L’autre, à Lyon, les traçait directement sur des panneaux de bois, sans passer par le crayon. Corneille aimait à grouper gentilshommes et demoiselles. Et la reine prenait plaisir à résider dans sa grande chambre (car on n’avait pas alors d’autre atelier). Elle retrouvait avec intérêt tableau, fait il y avait quelques années, qui la représentait avec ses filles. Dans l’atelier on causait, bien que M. Corneille fût de la religion. Tant nos actions sont parfois imposées, et si différentes de nos pensers !

Le 30 juin arriva Monseigneur le duc de Savoie.

C’était celui que les gens de Lyon nommaient le « tyran », car il avait envoyé au ciel tant de martyrs, usurpant ce pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu seul : Emmanuel-Philibert, grand stratège, beau soldat, le vainqueur de la bataille de Saint-Quentin qui avait, par sa vaillance, retrouvé au traité de Cateau-Cambrésis son duché de Savoie. Philibert avait gagné aussi l’amour de cette charmante sœur de Henri II, Marguerite de France, savante comme Minerve, une grâce et une Muse tout à la fois, si bonne envers les Français lorsqu’ils passaient à Turin, qui s’était fait leur protectrice, et même celle des réformés.

Le chancelier, Michel de L’Hospital, s’était porté à la rencontre du ménage à citer en exemple. Charles IX et Catherine de Médicis les attendaient dans un village voisin de Lyon.

Et longtemps les deux femmes demeurèrent dans les larmes, sans pouvoir se parler, pour l’amour mutuel qu’elles se portaient !

Emmanuel-Philibert avait laissé chez lui la plupart de ses gens, ne conservant dans sa maison que quelques arquebusiers. Le duc de Savoie venait poursuivre avec la France une négociation ardue, cherchant à se faire rendre, grâce à l’entremise de Philippe II, Pignerol et Savigliano. D’autre part, Philibert menait une autre négociation avec Berne, et il s’opposait à l’expulsion de Lyon du ministre Pierre Viret.

Ainsi, celui qui semblait l’ennemi de Genève, se montrait partagé. Quant à sa bonne épouse, elle passait aux yeux de l’ambassadeur espagnol pour la protectrice non pas des poètes et des pauvres gens, mais de l’hérésie. Et don Francès observait que le