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À TRAVERS LA BOURGOGNE

pas faire de prêches publiquement, que ses prédicateurs seraient punis. Mme de Vendôme avait profité de l’entretien pour lui demander de lui dire nettement si elle voulait donner Marguerite comme femme à son fils Henri, autrement elle le marierait avec la sœur de M. de Nevers, qui était une grande hérétique[1]. Mais la reine temporisait toujours avec Mme de Vendôme ; et elle essayait de la calmer quand elle se passionnait par trop.

Le prince de Condé n’était pas venu à la cour depuis la mort de sa femme, et il se tenait dans sa maison. On assurait que l’ambassadeur d’Angleterre le travaillait fort pour aller à Genève tirer sa révérence à Calvin. Enfin don Francès faisait parvenir à Philippe II deux nouvelles fort intéressantes : cinq navires venaient de partir de Normandie pour aller en Floride reconnaître les lieux ; et il était à craindre qu’ils n’allassent conquérir quelques terres sur l’Espagne.

D’autre part Catherine de Médicis, répondant à un désir très vif de Philippe II, avait déclaré à l’ambassadeur qu’elle était disposée à lui donner les reliques de saint Eugène conservées à l’abbaye de Saint-Denis. Mais il convenait de veiller à ce que les catholiques n’en sachent rien, ainsi que les hérétiques, qui auraient pu surprendre ces reliques au passage et les jeter à la rivière, comme ils avaient fait pour d’autres.

Les processions succédaient aux processions. Le 8 juin à Mâcon eut lieu la dernière, aussi dévote que si elle s’était déroulée en Espagne, car elle dura trois heures, et passa par tous les lieux de la ville.

Le connétable l’avait suivie, malgré son âge. Et plusieurs fois le roi et la reine lui avaient demandé de rentrer à la maison pour se reposer. Mais il répondait : « Non, je ne puis me fatiguer au service de Dieu et de mon roi ! » Alors il faisait de petits signes à don Francès, qui le regardait, lui laissant voir toute sa joie. Et la reine, durant le temps de la procession, demeura à côté de l’ambassadeur d’Espagne : « Je ne serai pas ingrate pour le service de Dieu, et le Roi Catholique le verra bientôt ! »

Don Francès pensait : Oui, c’est le bon Dieu qui l’inspire dans cette nouvelle décision, pour le bien de la religion, elle et le connétable. Ils commencent à détester les hérétiques, et tous les jours de plus en plus ; et eux aussi la détestent, ce qui, au dire du con-

  1. Henriette de Clèves, qui épousera Louis de Gonzague.