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CATHERINE DE MÉDICIS

Veuve confinée dans son Béarn, elle entendait diriger l’éducation de son fils[1], le futur Henri IV, qui grandissait, suivant la volonté de son mari, avec les autres enfants de France.

Catherine de Médicis connaissait bien et estimait cette digne femme. Elle l’avait eue pour complice, lorsqu’elle se faisait renseigner sur Tournon et les Guises. Après la paix d’Amboise, on avait vu Jeanne d’Albret établir la Réforme en Béarn, en Guyenne. Et depuis les Espagnols la tenaient pour une dangereuse voisine, puisque la Navarre était le refuge des ministres qui tendaient, « suivant eux », à bouleverser l’ordre social. Ainsi Navarre était terre chrétienne, et Mme de Vendôme la tête de l’hérésie.

C’est pourquoi don Francès de Alava voyait avec quelque appréhension Mme de Vendôme entrer à Mâcon, entre le cardinal de Bourbon et Montpensier. Il observa que suivant l’habitude des huguenots, elle était accompagnée de trois cents cavaliers. Or l’on vit sortir de Mâcon, pour se rendre au devant de Mme de Vendôme, douze cents particuliers qui se disaient dévoués à elle, prononçant des paroles irrévérencieuses envers Dieu et le roi.

Le 31 mai arriva la Fête-Dieu. C’était une cérémonie à laquelle les vieux catholiques demeuraient fort attachés. Ils dressaient, devant leur maison, des reposoirs ; au passage de l’ostensoir ils jetaient des roses. Le cardinal de Bourbon ordonna que cette procession traditionnelle se déroulerait dans Mâcon. Mais quand elle passa devant la maison de Mme de Vendôme, on vit ses domestiques aux fenêtres faire des gestes belliqueux et prononcer des paroles insolentes. Dans Mâcon, on pouvait bien juger de l’état où se trouvait le royaume tout entier ! Car les catholiques avaient mis à leurs fenêtres des fleurs et des rameaux verts, tandis que les hérétiques, sur leur passage, fermèrent les portes ; et nul d’entre eux ne se montra. On aurait pu remarquer encore que les fenêtres fermées appartenaient à des personnes connues et puissantes. Car les pauvres avaient décoré leurs maisons de fleurs. Et durant cette procession, Mme de Vendôme, sans tenir compte des avertissements qui lui étaient donnés, fit tenir un prêche où se rendirent les gens aux fenêtres fermées.

Le 3 juin eut lieu l’entrée de Charles IX à Mâcon. La ville n’était pas riche alors. Elle avait été plusieurs fois assiégée, et prise de force par Tavannes, peu avant l’édit. Mais dès que la

  1. Il avait alors onze ans étant né le 13 décembre 1553.