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À TRAVERS LA BOURGOGNE

tés. » Et dans des conversations privées, M. de Tavannes donna à la reine-mère le conseil de ne mettre en place que des créatures dépendant du roi et d’elle. Sur quoi Charles IX rentra se coucher au logis de Bourgogne.

Le 27 mai, on reprit la route pour aller déjeuner à Longecourt, petit village avec château. On passa en bateau la Saône pour se rendre au gîte dans le beau château de Pagny appartenant au comte de Charny, Léonor Chabot, grand écuyer, chez qui le roi restera deux jours en fêtes et festins.

On traverse maintenant la « bonne petite ville » de Seurre, qui s’allonge sur la Saône, et Saulnière-sur-Doubs. On passe encore en bateau la grosse rivière qui se jette dans la Saône, pour venir coucher à Senecey. Le lendemain, déjeuner à Saint-Maurice, dans la belle et antique abbaye des religieux. On arriva le soir à Chalon-sur-Saône, agréable et forte ville, avec château et évêché, la dernière place des Bourguignons. Le roi y fit son entrée le 31 mai.

Le 3 juin, la famille royale s’embarque sur le grand bateau que Messieurs de Lyon ont mis à sa disposition pour descendre la Saône, jusqu’à Mâcon, bonne ville et évêché, où l’on demeura cinq jours, jusqu’au vendredi 9.

Mme de Vendôme était arrivée depuis le 30 à Mâcon, pour retrouver son fils. Mme de Vendôme (les lettres de l’Espagnol la nomment toujours ainsi) c’était la reine de Navarre, Jeanne d’Albret, princesse de Béarn, née dans la maison de France. Alors âgée de trente-six ans, la veuve d’Antoine roi de Navarre (né Bourbon et duc de Vendôme) était une femme fière et très digne, un peu triste, toujours dans ses vêtements sombres.

Les époux avaient passé leur vie à se disputer et à s’aimer. Quand Antoine se montrait réformé, Jeanne demeurait catholique ; quand il se rendit catholique, elle se fit de la nouvelle religion. De cet époux versatile, et qui aima tant la fête, tombé en 1562 sous les murs de Rouen, frappé de la balle d’un mousquet tiré dans la tranchée par quelques huguenots, la reine de Navarre avait pris le deuil qu’elle ne quittera pas. Mais, depuis plusieurs années déjà, son cœur jaloux était en deuil. Les pasteurs qui entouraient cette femme pure, et Calvin lui-même, lui avaient montré Vénus acharnée à la rendre malheureuse par l’inconduite de son époux. Ainsi Mme de Vendôme était devenue, il y avait peut-être cinq ans, une réformée, retirée de l’« idolâtrie », comme elle disait, en parlant le jargon des prédicants.