Page:Champion - Catherine de Médicis présente à Charles IX son royaume, 1937.pdf/106

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
92
CATHERINE DE MÉDICIS

au logis du roi, « ainsi en un lieu aéré et spacieux pour se promener », M. de Tavannes, lieutenant général et gouverneur, lui abandonna sa maison, faisant aplanir les remparts, de la Porte-Neuve à la Porte Saint-Nicolas.

Le sieur de Tavannes, c’est Gaspard de Saulx, qui est né à Dijon, et vient d’avoir cinquante-cinq ans. Les soldats, il les connaît tous, ayant fait les guerres d’Italie de François Ier, combattu à Cérisole, au siège de Metz et à Calais. Lieutenant du roi dans la province difficile de Bourgogne, les agités, les réformés, n’ont pas à compter sur lui. Dur et ferme, soldat avant tout, catholique, homme de méditation, le gouverneur aime à rédiger des plans qu’il soumettra dans les conseils ou au gouvernement.

Quand Charles IX s’avance vers Dijon, Tavannes va au devant de lui, à une lieue. Pas de discours. Le gouverneur place sa main sur son cœur : « Ceci est à vous ». Puis la mettant sur son épée : « Voilà de quoi je vous puis servir ».

L’entrée à Dijon eut lieu le 22 mai. Dans la ville, on avait dressé des arcs de triomphe ornés de figures dessinées par Hugues Roy, l’imagier. Un Apollon débita son compliment. On vida les pots de vin du pays. De petits enfants, vêtus de la livrée aux couleurs royales, accompagnèrent le cortège en jouant du fifre et du tambourin. Le menuisier Hugues Sambin avait préparé les ouvrages « du mystère », car Dijon a toujours été une ville d’art et de spectacles. Les orfèvres Jean et Bénigne Richerel ciselèrent les personnages d’argent du cadeau au roi : c’était une coupe où l’on voyait le baptême de Clovis, Clotilde et saint Remi.

Telle est l’expression de la foi catholique à Dijon, l’une des dernières à percevoir « la lumière de l’Évangile », pour parler comme Théodore de Bèze. Le maire de la ville est Benigne Martin — qui veillait, malgré la tolérance de l’édit, à ce que le chant des Psaumes ne s’élevât pas, même à l’intérieur des maisons qu’il faisait aussitôt saccager.

Le sieur de Tavannes accueille naturellement la famille royale par des tournois, qui semblent des combats, sans la mort. On donna sur des chars le spectacle d’un fort, battu de quatre canons, où l’on ouvrit la brèche. La reine-mère demanda ce que signifiaient ces jeux qui lui faisaient trembler l’âme dans le corps, bien qu’elle eût été aux tranchées du Havre. Le connétable répondit : « Ce sont jeux accoûtumés du sieur de Tavannes ». Riant, le gouverneur ajouta qu’il pouvait se vanter « d’avoir fait trembler leurs Majes-