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À BAR-LE-DUC, AU BAPTÊME

était reconnu pour le « capitaine muet » de la conspiration d’Amboise, faite en son nom et désavouée d’ailleurs par lui. Jeté en prison, le prince de Condé avait été condamné à mort, et il n’avait échappé au supplice que par l’avènement de Catherine de Médicis, au décès de François II, et grâce aux bons offices de Michel de L’Hospital, vieux serviteur de la maison de Bourbon. L’édit de 1561 avait innocenté Condé. Catherine s’était rapprochée de lui pour échapper au despotisme des Triumvirs. Elle ne lui avait pas gardé rancune d’avoir organisé Orléans, comme une place-forte des huguenots. Et après la bataille de Dreux, où il fut fait prisonnier, elle l’avait employé à reprendre le Havre avec ses coreligionnaires. Ainsi le prince de Condé, avec l’amiral et les Châtillons, était rentré à la cour, protecteur des huguenots. Sur sa conduite légère et ses mœurs, Calvin, directeur de conscience de la princesse, lui adressait alors de vifs reproches. Il lui écrivait de Genève : « On nous a dit que vous faites l’amour aux dames, cela est pour déroger beaucoup à votre autorité et réputation : les bonnes gens en seront offensées, les malins en feront leur risée. »

À Bar-le-Duc, le prince de Condé, ayant appris que sa pieuse femme était sur le point de mourir[1], quitta la cour, Déjà la reine-mère avait envoyé son médecin pour assister la princesse de Condé à Roye. L’amiral et M. d’Andelot s’étaient rendus près d’elle, l’amiral toujours accompagné de ses douze cents chevaux. Devant eux on fermait les portes des villes, et à Troyes les troupes de Coligny essuyèrent même plusieurs arquebusades.

Ceci nous montre assez la force du sentiment populaire. On s’en entretenait à Bar. Mais ce qui inquiétait toujours le cardinal de Lorraine, et ce qui pouvait inquiéter tout aussi bien Calvin, connaissant toutes les faiblesses du prince de Condé (il l’a nommé un traître, tandis que Ronsard l’a peint comme un lamentable héros de tragédie) c’est le bruit qui se répandait que le pape était en train de négocier pour arranger les affaires des Châtillons. Le nonce devait obtenir que Mme de Guise abandonnât ses soupçons et sa querelle ; ainsi les Châtillons reviendraient à la foi catholique.

La négociation sera dure, pensait l’Espagnol.

  1. Elle devait mourir le 23 juillet.