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CATHERINE DE MÉDICIS

— Ce que j’en pense, je l’ai dit à la reine, et ce n’est pas la peine de soulever toujours la même question.

En ce moment entra le cardinal de Lorraine. Le connétable fit une pression sur la main de don Francès, et lui parla à l’oreille :

— Puisque cet homme est venu ici, il nous donnera du travail à nous autres[1]. Je vois bien que vous avez raison. Vous sentez ces choses en fidèle serviteur de ce grand roi, notre ami…

Ainsi ils essayaient de surprendre leurs secrets, de deviner l’avenir, parmi les passions humaines et le hasard de la vie.

Ce petit homme, qui combattait bien, c’était Louis de Bourbon, prince de Condé, qui allait avoir trente-quatre ans. Pimpant, avec ses cheveux en brosse, sa barbe en pointe et ses yeux bleus, il aimait à rire et à moquer, à s’amuser, comme le dit la chanson de ses soldats :

Le petit homme tant jolly,
Qui tousjours cause et tousjours ry,
Et tousjours baise sa mignonne :
Dieu gard’de mal le petit homme !

De taille menue, la tête dans les épaules, il était fort, vert et vigoureux, autant qu’homme de France : Dio mi guardi del bel gignetto del principe di Conde et stecco del admiraglio ! C’est-à-dire : « Dieu me garde de la douce façon et gentille du prince de Condé, et de l’esprit et du curedent de l’amiral », qui en portait toujours un dans sa bouche, sur l’oreille ou dans sa barbe.

Louis de Bourbon, qui avait servi dans son enfance dans l’infanterie en Italie, était alors le colonel des bandes du Piémont, « des pieds puants », comme le disait la princesse de La Roche-sur-Yon. Cadet de sa maison, le dernier-né des treize enfants du duc de Vendôme, un vrai Bourbon par son ardeur, il était le soutien de cette malheureuse maison, si humiliée par François Ier et Louise de Savoie qu’elle avait dû chercher sa revanche dans la terrible révolte du connétable. L’époux d’Éléonore de Roye, une sainte femme, la charitable protectrice des huguenots en Picardie, de la maison de Montmorency, était devenu, peut-être malgré lui, le chef des révoltés, au temps de la tyrannie des Guises. Le bon soldat, qui s’était battu partout, à la conquête des Trois Évêchés, devant Metz, à Saint-Quentin, à Thionville, et qui avait pris Calais,

  1. Les Montmorency.