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CATHERINE DE MÉDICIS

— Sincèrement, don Francès, que pensez-vous de la venue du prince de Condé ?

L’ambassadeur fit quelques réponses évasives, et attaqua :

— Madame, il a quitté la cour pour voir ses partisans, machiner je ne sais quoi contre l’honneur de Dieu, pour faire tort au roi votre fils. Ceci est clair. Le prince de Condé ne reviendra pas… Madame, il ne reviendra jusqu’à ce qu’il traite avec vous, et tant qu’il n’aura pas l’assurance que, revenant à la cour, vous lui ouvrirez vos bras !

Le cardinal de Lorraine lui, chef de cette maison, mourait d’envie de marier le duc de Guise[1], son neveu, avec la fille, aînée de la duchesse. Par deux fois il le lui avait offert. Mais la douairière avait dû le refuser, disant qu’Henri de Guise était vraiment trop jeune pour qu’on parlât de son mariage. Et ceci indiquait au surplus, suivant don Francès, combien la duchesse avait besoin de la protection de Philippe II.

Les Guises trop petits : c’était là tout le problème que comprenait parfaitement le cardinal. Et les Châtillons n’étaient ce qu’ils étaient que parce qu’ils avaient beaucoup d’années de plus que les Guises[2].

Mais, au jugement de l’ambassadeur espagnol, ce que les Français désiraient surtout en Lorraine, c’étaient deux ou trois forteresses pour fermer le passage de la Bourgogne, car les marches de ce pays étaient limitrophes des domaines italiens sous le pouvoir du Roi Catholique ; enfin ils voulaient encore le passage libre vers l’Allemagne, où étaient leurs amis.

L’arrivée de la douairière de Lorraine avait été célébrée par des tournois à pied et à cheval, et d’autres fêtes, comme il convenait dans ce vieux pays militaire.

Mais on donna aussi des « Comédies fort triomphantes » en l’honneur des princes.

Ronsard avait en effet reçu la commande des « Masca-

  1. Henri de Guise, né le 31 décembre 1550, avait quatorze ans.
  2. Le maréchal de Châtillon, mort en 1522, avait laissé de Louise de Montmorency, Odet, Gaspard et François. Odet de Châtillon, né en 1515, cardinal en 1533, évêque de Beauvais qui fit profession de la religion réformée en 1561, arrivait alors à la cinquantaine ; Gaspard de Châtillon, comte de Coligny, l’amiral, né en 1519, avait quarante-cinq ans. François de Châtillon, sieur d’Andelot, né à Châtillon-sur-Loing, le 18 avril 1521, avait quarante-trois ans.