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à une sorte d’apothéose rayonnante, dorée comme le soleil, qui transporte l’auditeur dans des mondes inconnus.


Au moment de mettre sous presse, on m’a procuré le livret de concert. Il est bon de citer le fragment de Saint-Graal, tiré de l’opéra de Lohengrin :

« Dès les premières mesures, l’âme du pieux solitaire qui attend le vase sacré plonge dans les espaces infinis. Il voit se former peu à peu une apparition étrange, qui prend un corps, une figure. Cette apparition se précise davantage, et la troupe miraculeuse des anges, portant au milieu d’eux la coupe sacrée, passe devant lui. Le saint cortége approche ; le cœur de l’élu de Dieu s’exalte peu à peu ; il s’élargit, il se dilate ; d’ineffables aspirations s’éveillent en lui ; il cède à une béatitude croissante, en se trouvant toujours rapproché de la lumineuse apparition, et quand enfin le Saint-Graal lui-même apparaît au milieu du cortége sacré, il s’abîme dans une adoration extatique, comme si le monde entier eût soudainement disparu.

» Cependant, le Saint-Graal répand ses bénédictions sur le saint en prière et le consacre son chevalier. Puis les flammes brûlantes adoucissent progressivement leur éclat ; dans sa sainte allégresse, la troupe des anges, souriant à la terre qu’elle abandonne, regagne les célestes hauteurs. Elle a laissé le Saint-Graal à la garde des hommes purs, dans le cœur desquels la divine liqueur s’est répandue, et l’auguste troupe s’évanouit dans les profondeurs de l’espace, de la même manière qu’elle en était sortie.»

Que les esprits poétiques relisent ces lignes et les habillent des mélodies de l’imagination, ils pourront se faire une idée du profond sentiment musical du Saint-Graal.


Deux heures de cette musique m’ont laissé sans fatigue, heureux et plein d’enthousiasme.

Si Wagner se rattache à la grande école allemande de Mozart et de Beethoven, c’est par la simplicité de l’orchestration.