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par lesquels l’hiver commence. » Tentatives d’un grand maître qui ont amené à sa suite de singuliers disciples.

Coucher de soleil, la lune à demi voilée, le chant de l’alouette dans les blés et jusqu’au vol rapide d’un oiseau à long bec traversant le paysage, voilà ce que les singes de la musique imitative ont prétendu montrer dans leurs symphonies.

C’est là ce qu’on pourrait appeler dans le mauvais sens du mot, du réalisme en musique, l’enjambement monstrueux d’un art sur un autre art, le mélange frelaté aussi équivoque qu’une grappe de raisin greffée sur un poirier.

Wagner n’appartient en rien à cette école. Il semble puéril d’insister là-dessus ; mais j’écris surtout pour des gens qui ne pourront entendre ces concerts.

Le compositeur se rapprocherait plutôt des lignes que Beethoven a écrites en regard d’un passage de la Symphonie pastorale : « Plutôt expression de sentiment que peinture. » Belle parole plus juste que celle d’Haydn.


Ce n’est pas encore là ce qui peut rendre la musique de Wagner. Je ne connais ni le sujet de ses opéras, ni la splendide étoffe qui les recouvre. Je n’ai vu que des morceaux de cette étoffe. Il me semble qu’un fragment de tapisserie du moyen âge me tombe tout à coup sous les yeux. Des têtes de chevaliers dessinées à l’aiguille à grands traits apparaissent ; un varlet coupé à mi-corps tient un faucon sur le poing. Dans un coin de la tapisserie est écrit en lettres gothiques : .

Toute une époque se déroule : les gestes de Charlemagne, les chevaliers de la Table Ronde, les douze preux, des personnages vaillants, plus grands que nature, avec des durandal formidables et des casques de géant.