Page:Champfleury - Grandes Figures d’hier et d’aujourd’hui, 1861.djvu/265

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

convertit en enseignement, elle n’est plus de la peinture. Elle devient une chaire triste et pénible à regarder, car il n’y a pas de prédicateur dans la chaire.

Heureusement M. Courbet n’a rien voulu prouver par son Enterrement. C’est la mort d’un bourgeois qui est suivi à sa dernière demeure par d’autres bourgeois. On sait que ce tableau n’est pas un portrait de famille ; quel est le vigneron assez riche pour commander une toile si importante ? C’est simplement, comme je l’ai vu imprimé sur des affiches, quand M. Courbet exposait ses tableaux à Besançon et à Dijon, le Tableau historique[1] d’un enterrement à Ornans. Il a plu au peintre de nous montrer la vie domestique de petite ville ; il s’est dit que des robes d’indienne et des habits noirs valaient les costumes espagnols, les dentelles et les plumets Louis XIII, les armures moyen-âge, les paillettes de la régence, et il s’est jeté avec le courage d’un bœuf dans cette immense toile, sans exemple jusqu’ici.

Et ce n’est pas la grandeur du tableau qui m’intéresse. Si M. Meissonnier ne peignait pas avec une épingle, s’il entendait l’effet, si son pinceau pénible n’entraînait pas des tons sales sur ses toiles microscopiques, j’aurais autant de respect pour cette peinture de Tom Pouce que pour les grandes architectures du Véronèse. Mais, devant ce travail de patience, je me représente M. Meissonnier avec une loupe d’horloger dans l’œil, peignant d’après des défroques de Babin.

Entre autres récriminations, les sots se sont écriés d’un commun accord : « Nous comprenons Ostade, Téniers et

  1. Historique est la petite malice d’un aniste fatigué de classements arbitraires dans le domaine de la peinture.