besoin de ce meuble, et vous n’avez que le tort de ne pas l’avoir senti plus tôt. »
Je poursuivis mon voyage dans la même direction, et toutes les commodités de la vie, ses superfluités, le luxe, la magnificence, revinrent insensiblement m’entourer. Muni d’une ombre, bien que d’emprunt, je pouvais me mouvoir sans crainte et sans gêne ; je jouissais de ma liberté, et j’inspirais partout le respect que l’on doit à l’opulence ; mais j’avais la mort dans le cœur. Mon incompréhensible compagnon, qui partout se donnait lui-même pour le serviteur indigne de l’homme du monde le plus riche, était d’une complaisance sans bornes ; il remplissait en effet près de moi les fonctions de valet avec un empressement, une intelligence et une dextérité qui surpassaient toute idée ; c’était le modèle accompli du valet de chambre d’un riche. Mais il ne me quittait pas, et ne cessait d’exercer sur moi son éloquence, affectant toujours la plus parfaite sécurité que je finirais, ne fût-ce que pour me débarrasser de lui, par conclure le marché qu’il m’avait proposé. Il m’était en effet aussi à charge qu’odieux ; il me faisait peur. Je m’étais placé moi-même dans sa dépendance ; il me tenait asservi depuis qu’il m’avait fait de nouveau jouer un rôle sur la scène du monde, que je voulais fuir. Je ne pouvais plus lui imposer silence, et je sentais qu’au fond il avait raison. Il faut dans le monde qu’un riche ait une ombre, et si je voulais soutenir l’état qu’il m’avait insidieusement fait reprendre, il n’y avait qu’une issue