tous nos philosophes, j’ai clairement reconnu que je n’étais aucunement appelé à me mêler de leurs spéculations, et que, dans le sentiment de mon insuffisance, je me suis irrévocablement retiré de l’arène. J’ai depuis laissé dormir bien des questions, que je me suis résigné à ignorer, à ne pas faire ou à laisser sans réponse, et, me confiant en la droiture de mon sens, j’ai, comme tu me le conseillais toi-même, suivi autant que je l’ai pu la voix qui s’élevait en moi pour me conduire, et n’ai voulu qu’elle pour guide sur la route que je me suis frayée. Cependant ce rhéteur, dont j’admirais le talent, me semblait élever un édifice, fondé en apparence sur sa propre nécessité. Mais je n’y trouvais pas ce que précisément j’y aurais voulu ; et dès lors ce n’était plus pour moi qu’une de ces constructions élégantes qui ne servent qu’à récréer la vue par la symétrie de leurs formes ; mais je prenais plaisir à l’éloquence du sophiste, qui, maîtrisant mon attention, m’avait distrait de mes propres maux, et je ne lui aurais pas résisté s’il avait su ébranler mon âme, comme il savait dominer mon esprit.
Les heures cependant s’étaient écoulées, et le crépuscule avait insensiblement succédé à la nuit. Un secret effroi me fit tressaillir lorsque, levant les yeux, je vis l’orient briller des couleurs qui annoncent le retour du soleil, et, à l’heure où les ombres que projettent les corps opaques jouissent de leur plus grande dimension, je ne découvrais contre lui, dans la contrée ouverte que je parcourais, aucun abri,