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II

Enfin je revins à moi, et me hâtai de quitter ce lieu, où j’espérais ne plus avoir rien à faire. Je commençai par remplir mes poches d’or, puis je suspendis la bourse à mon cou et la cachai sous mes vêtements. Je sortis du parc sans être remarqué ; je gagnai la grand’route, et je m’acheminai vers la ville.

J’approchais de la porte, lorsque j’entendis crier derrière moi : — « Jeune homme ! Eh ! jeune homme ! écoutez donc ! » — Je me retournai, et j’aperçus une vieille femme, qui me dit : — « Prenez donc garde, Monsieur, vous avez perdu votre ombre. » — « Grand merci, ma bonne mère, » lui répondis-je, en lui jetant une pièce d’or pour prix de son bon avis, et je continuai ma route à l’ombre des arbres qui bordaient le chemin.

À la barrière, la sentinelle répéta la même observation : — « Où celui-ci a-t-il laissé son ombre ? » Des femmes, à quelques pas de là, s’écrièrent : — « Jésus Marie ! le pauvre homme n’a point d’ombre. » Ces propos commen-