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ils recevaient de lui des présens à chaque ouvrage qu’ils lui dédiaient, et presque à chaque lecture qu’ils faisaient devant ses sociétés habituelles.

Cependant, en un moment de réflexion, il remarqua que Saphar ne s’était jamais présenté chez lui : Saphar, qui a écrit la Chronique de l’Empire, qui a publié le plus savant ouvrage de métaphysique, et qui a dédié aux dames son poème du Jardin des Roses. Cet homme universel vit solitaire ; la promenade au fond des forêts est son seul délassement ; et il a soin de se cacher dans l’épaisseur des taillis, quand la chasse vient de son côté.

Hatimthai ne l’a jamais vu. On cherche toujours la nouveauté, avec une curiosité qui procure une émotion vive et agréable. Il veut absolument interroger ce philosophe ; et il ordonne une chasse au cerf, dont le seul objet est d’entourer et de prendre l’homme de lettres le plus sauvage du monde.

Le projet s’accomplit ; Hatimthai est en face de Saphar :

— Pourquoi ne t’ai-je jamais vu ?

— Parce que ni toi ni moi n’avons besoin de nous voir.