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CCXVIII

Supposez vingt hommes, même honnêtes, qui tous connaissent et estiment un homme d’un mérite reconnu, Dorilas, par exemple ; louez, vantez ses talens et ses vertus ; que tous conviennent de ses vertus et de ses talens ; l’un des assistans ajoute : « C’est dommage qu’il soit si peu favorisé de la fortune. — Que dites-vous ? reprend un autre ; c’est que sa modestie l’oblige à vivre sans luxe. Savez-vous qu’il a vingt-cinq mille livres de rente ? — Vraiment ! — Soyez-en sûr, j’en ai la preuve. » Qu’alors cet homme de mérite paraisse, et qu’il compare l’accueil de la Société et la manière plus ou moins froide, quoique distinguée, dont il était reçu précédemment. C’est ce qu’il a fait : il a comparé, et il a gémi. Mais dans cette société, il s’est trouvé un homme dont le maintien a été le même à son égard. « Un sur vingt, dit notre philosophe ; je suis content. »

CCXIX

Quelle vie que celle de la plupart des gens de la Cour ! Ils se laissent ennuyer, excéder, avilir, asservir, tourmenter pour des intérêts misérables. Ils attendent pour vivre, pour être heureux, la mort