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et anecdotes.

Mais ce n’est pas tout. Demande-lui s’il est Gentilhomme. Le Laquais va & revient. Oui, Monseigneur, il est Gentilhomme. — À la bonne heure : qu’il vienne, nous verrons ce que c’est. Le Duc arrive, salue. L’Archevêque fait un signe de tête, se range à peine pour faire une petite place dans sa voiture. Il voit une croix de St-Louis. Monsieur, dit-il au Duc : Je suis fâché de vous avoir fait attendre, mais je ne pouvais donner une place dans ma voiture, à un homme de rien : vous en conviendrez. Je sais que vous êtes Gentilhomme. Vous avez servi à ce que je vois ? — Oui, Monseigneur. — Et vous allez à Versailles ? — Oui, Monseigneur. — Dans les Bureaux apparemment ? — Non, je n’ai rien à faire dans les Bureaux. Je vais remercier. — Qui, M. de Louvois ? — Non, Monseigneur, le Roi. — Le Roi ! (ici l’Archevêque se recule & fait un peu de place.) — Le Roi vient donc de vous faire quelque grâce toute récente ? — Non, Monseigneur, c’est une longue histoire. — Contez toujours. — C’est qu’il y a deux ans j’ai marié ma fille, à un homme peu riche (l’Archevêque reprend un peu de l’espace qu’il a cédé dans la voiture), mais d’un très-grand nom (l’Archevêque recède la place). Le Duc continue. Sa Majesté avait bien voulu s’intéresser à ce Mariage… (l’Archevêque fait beaucoup de place) & avait même promis à mon gendre le premier Gouvernement qui vaquerait. — Comment donc ? Un petit Gouvernement sans doute !