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Clarisse après deux ans de soins ; au lieu que ma raison me sauverait de la servante, de la fille & de Clarisse même peut-être[1]. À ne consulter que la raison, quel est l’homme qui voudrait être père & se préparer tant de soucis pour un long avenir ? Quelle femme, pour une épilepsie de quelques minutes, se donnerait une maladie d’une année entière ? La nature en nous dérobant à notre raison, assure mieux son empire ; & voilà pourquoi elle a mis de niveau sur ce point Zénobie & sa fille de basse-cour, Marc-Aurèle & son palefrenier[2].

M… est un homme noble, dont l’ame est ouverte à toutes les impressions, dépendant de ce qu’il voit, de ce qu’il entend, ayant une larme prête pour la belle action qu’on lui raconte, & un sourire pour le ridicule qu’un sot essaye de jeter sur elle.

M… prétend que le monde le plus choisi est entièrement conforme à la description qui lui fut faite d’un mauvais lieu, par une jeune personne qui y logeait. Il la rencontre au Vauxhall, il s’approche d’elle, & lui demande en quel endroit on pourrait la voir seule pour lui confier quelques petits secrets. Monsieur, dit-elle, je demeure chez Made…, c’est un lieu très-honnête, où il ne va que des gens comme il faut, la plûpart en carosse, une porte cochère, un joli

  1. Clarisse est le personnage éponyme du roman de l’écrivain anglais Samuel Richardson (1689-1761), Clarissa, or, the History of a Young Lady, publié en 1748. (Note wiki)
  2. Marc-Aurèle. Pensées, Livre vi, xvi 35-41. (Note wiki)