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et anecdotes.

donnait quelques louis pour les mettre en état d’aller chez quelque fille perdre la tentation dont elle était la cause.

M. de Marville disait qu’il ne pouvait y avoir d’honnête homme à la Police, que le Lieutenant-de-Police tout au plus.

Quand le Duc de Choiseul était content d’un Maître-de-poste, par lequel il avait été bien mené, ou dont les enfans étaient jolis, il lui disait : Combien paie-t-on ? Est-ce poste ou poste & demie, de votre demeure à tel endroit ? — Poste, Monseigneur. — Eh bien, il y aura désormais poste & demie. La fortune du Maître-de-Poste était faite.

Made. de Prie, maîtresse du Régent, dirigée par son père, un traitant, nommé, je crois, Pléneuf, avait fait un accaparement de blé, qui avait mis le Peuple au désespoir, & enfin causé un soulèvement. Une compagnie de mousquetaires reçut ordre d’aller appaiser le tumulte ; & leur chef, M. d’Avejan[1], avait dans ses instructions de tirer sur la canaille, c’est ainsi qu’on désignait le Peuple en France. Cet honnête homme se fit une peine de faire feu sur ses concitoyens, & voici comme il s’y prit pour remplir sa commission. Il fit faire tous les apprêts d’une salve

  1. Louis de Banne, comte d’Avejan (1683-1738), acheta la charge de sous-lieutenant de la ire compagnie des Mousquetaires (avril 1716). Nommé capitaine-lieutenant à la mort du comte d’Artagnan (janv. 1729), il fut aussi lieutenant-général des armées du roi. (Note wiki)