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Pour les hommes vraiment honnêtes, & qui ont de certains principes, les Commandemens de Dieu ont été mis en abrégé sur le frontispice de l’Abbaye de Thélème : Fais ce que tu voudras[1].

L’Éducation doit porter sur deux bases : la morale & la prudence ; la morale pour appuyer la vertu ; la prudence pour vous défendre contre les vices d’autrui. En faisant pencher la balance du côté de la morale, vous ne faites que des dupes ou des martyrs, en la faisant pencher de l’autre côté, vous faites des calculateurs égoïstes. Le principe de toute société est de se rendre justice à soi-même & aux autres. Si l’on doit aimer son prochain comme soi-même, il est au moins aussi juste de s’aimer comme son prochain.

Il n’y a que l’amitié entière qui développe toutes les qualités de l’ame & de l’esprit de certaines personnes. La Société ordinaire ne leur laisse déployer que quelques agrémens. Ce sont de beaux fruits, qui n’arrivent à leur maturité qu’au soleil ; & qui, dans la serre chaude, n’eussent produit que quelques feuilles agréables & inutiles.

Quand j’étais jeune, ayant les besoins des passions, & attiré par elles dans le monde, forcé de chercher dans la Société & dans les plaisirs quelques dis-

  1. Rabelais, François. Gargantua, Chapitre lvii (éd. 1534) : « Fay ce que vouldras ». (Note wiki)