Page:Chamfort - Maximes, Pensées, Caractères et Anecdotes, 1796, éd. Ginguené.djvu/142

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
du goût

de la vie, est bien peu de chose, ou plutôt n’est rien.

On ne connaît pas du tout l’homme qu’on ne connaît pas très-bien ; mais peu d’hommes méritent qu’on les étudie. De-là vient que l’homme d’un vrai mérite doit avoir en général peu d’empressement d’être connu. Il sait que peu de gens peuvent l’apprécier, que dans ce petit nombre chacun a ses liaisons, ses intérêts, son amour-propre, qui l’empêchent d’accorder au mérite l’attention qu’il faut pour le mettre à sa place. Quant aux éloges communs & usés qu’on lui accorde quand on soupçonne son existence, le mérite ne saurait en être flatté.

Quand un homme s’est élevé par son caractère au point de mériter qu’on devine quelle sera sa conduite dans toutes les occasions qui intéressent l’honnêteté, non-seulement les fripons, mais les demi-honnêtes gens le décrient & l’évitent avec soin. Il y a plus, les gens honnêtes, persuadés que par un effet de ses principes ils le trouveront dans les rencontres où ils auront besoin de le lui, se permettent de le négliger, pour s’assurer de ceux sur lesquels ils ont des doutes.

Presque tous les hommes sont esclaves, par la raison que les Spartiates donnaient de la servitude