Page:Chamfort - Œuvres complètes éd. Auguis t5.djvu/395

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE CHAMFORT. 889

connaître! Je sens qu'en vous perdant, je perds une partie de mes forces. On m'a ravi mes flèches. O mon ami ! recouvrez votre santé ; et que votre amitié, vos consolations, vos conseils, vos lettres versent du baume dans mon cœur, m'apprennent à supporter une situation si nouvelle , quoique déjà éprouvée à l'honorer, à l'embellir , et me ren- dent enfin capable d'être digne de tous les senti- mens que vous m'avez montrés.

C'est de cette ville souveraine , qui , bâtie de briques , et sans élégance ni noblesse dans ses édifices , montre la Tamise et son port superbe , et semble dire : « qu'oseriez- vous me comparer ? que l'Océan, que "les mondes apportent ici leurs tributs ! » c'est de cette ville que je vous écris à la hâte, les yeux distraits par une foule d'objets nou- veaux , l'esprit occupé de mille soins pénibles au présent et dans l'avenir, mais le cœur et l'imagi- nation pleins de vous.

Notre voyage ferait un roman ; vous savez une partie des inconvéniens qui ont précédé notre dé- part ; vous aurez éprouvé sans doute à Paris le temps dont nous avons été accueillis dans la route; et vous ne vous ferez jamais d'idée de notre passage, qu'après avoir essuyé une tem- pête. Nous avons été deux fois au moment de périr : une fois par la seule force du vent et de la mer qui écrasait notre frêle paquebot,- et une fois à l'entrée de l'Adder, c'est-à-dire presque au port; en revirant de bord, un faux coup de ti-

�� �