388 ŒUVRES
touchans adieux ! Vous étes-là sous mes yeux , brûlant , agité, tourmenté , sans que je puisse dé- tourner un moment ma pensée de votre lit et de votre fièvre. Ce n'est pas que votre état soit alar- mant, je le sais ; et s'il l'eût été, tous les chevalets de la Bastille exposés à ma vue ne m'auraient pas fait partir. Mais vous souffrez ! Eh, mon dieu I n'est-ce donc rien de souffrir? c'est presque tout, dans un passage si court et si incertain. Mon ami! vous ne pouvez pas écrire ; je ne veux pas que vous écriviez , à moins que ce ne soit deux lignes qui me rassurent par la vue de vos caractères : mais suppliez M. R.... de remplir , en votre nom, cet office et ce devoir d'ami : il ne me refusera point celte consolation; il me rendra la justice de croire que je paierais , et de grand cœur, le même tribut à son amitié pour vous ; mais il a le bonheur de vous garder, lui ! et ne m'en doit-il pas plus de compassion et de complaisance , à moi qui vous ai quitté dans un moment si critique pour tous deux , à moi qui, peut-être , hélas ! ne vous embrasserai pas de long-temps, et qui m'étais fait une si douce habitude de ne penser, de n'ob- server , de ne sentir qu'avec vous, de n'agir que sous vos yeux, de n'avoir qu'une âme avec mon meilleur et presque mon unique ami?0 mon cher et digne Chamfort! combien les bonnes gens sont des êtres d'/iabitude ! et combien vous avez peu de besoin de cet attrait d'habitude, pour être né- cessaire à ceux dont vous avez daigné vous laisser
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