I)T. CHAMFORT. 35
perfection en littérattiire , ce sont ces trois auteurs qu'il faut prendre , et qui , chacun dans leur genre, sont placés à la tète des autres écrivains. Ce beau triumvirat fera toujours les délices et le désespoir des poètes qui écriront après eux.
Puisque j'en suis au chapitre des opinions litté- raires, je ne puis m'erapêcher de dire un mot de cette question oiseuse , et pourtant si souvent agitée , de savoir si une tragédie est plus difficile à faire qu'une ode. Ces discussions , en général , n'ont pas été agitées par amour pur des lettres : la jalousie les faisait naître . et la haîne les dictait. Pour moi qui ne suis point jaloux , et qui ne hais personne , puisque je n'ai jamais prétendu être auteur, et que personne nem'afait de mal, je pour- rais me tromper , mais au moins je n'aurai pas cherché à me tromper moi-même. Il me semble donc qu'on a trop écrit pour la tragédie , et pas assez pour l'ode. En effet , ne pourrait-on pas dire en faveur de celle-ci , que les Français ne comptent encore qu'un lyrique (*), tandis qu'ils ont plu- sieurs poètes tragiques ? Ne pourrîlit-on pas citer ^ un Lamott« , qui, avec l'esprit seulement, mais sans talent, a pourtant laissé une tragédie que l'on revoit encore avecpfeisir, tandis que de son énorme volume d'odes , pas une ne lui a survécu? Ne pourrait-on pas citer Voltaire, dont le recueil
��(*) La perfection in('me que Ton s'obstine à refuser à Rousseau , ne serait qu'une raison de plus pour croire à la difficulté de ce genre.
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