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36 J OEUVRES

Cil pareil cas. «Monsieur, a répondu l'abbé, cha- cun est ici pour son argent , et je garde ma place. — Mais , monsieur , je ne puis pas vous nuire, et vous me privez du spectacle. — Monsieur , j'en suis facile, et je garde ma place. — Je vous assure, monsieur, qu'il est de votre intérêt d'être plus complaisant. — Comment, monsieur! que voulez- vous dire? — Que je suis persuadé qu'il vous arrivera quelque chose de désagréable, si vous ne déférez pas à ma prière. — Comment, monsieur ! vous me menacez ! — Dieu m'en garde , mon- sieur ! mais si vous ne me cédez pas votre place, vous vous en repentirez. — Parbleu ! voilà une manière nouvelle de prier les gens! et certes elle ne réussira pas. — Monsieur, faites bien vos ré- flexions; car il vous arrivera mal, si vous ne passez derrière moi. — Monsieur, laissez moi en repos...» Alors, le petit homme dit à son voisin : « ^ oyez- vous ce grand abbé ? c'est l'abbé Miolan. — L'abbé Miolan ! — Oui, l'abbé Miolan, le grand construc- teur de ballons brûlés. — Messieurs , \ oyez-vous ral)])é Miolan? (*'.— L'abbéMiolan! «Toute la salle

��( * ) En temps-là , on s'occupait bcaiicojip ries Imllons nouvelle- ment découverts par Moiitgolfier. Vu plivsicicn , nommé l'abbô Miolan , en annonça im qui devait s'l•le^ er du I,n\cinl)onrg. On s'y rendit en foule ; les billets d'entrée coûtaient six francs : l'expé- rience manqua , et l'on ne rendit pas l'argent. L'auteur s'enfuit et fit bit :i , car le peuple n'entendait pas raillerie et voulait le mettre en pièces. C'était donc, jieu de jours a[)rès , jouer un tour sanglant i( im autre abbé, que de l'appeler de ce nom dans un lieu public,

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