celui que j’avais fait entre-mêler de feuilles d’attente pour moi, et qui est en bel état, comme vous voyez, parce qu’il a fait sept ou huit cents lieues, et passé par bien des mains. Ce me sera un véritable service, et dont je vous aurai une reconnaissance éternelle et bien douce, si vous avez le courage d’en entreprendre une censure très-sévère, soit pour le fond, soit pour la forme.
Quant au fond, je sais que j’ai médité profondément le plan, et que cependant on lui a reproché quelques défauts d’ordre. A-t-on raison ? c’est ce que je ne veux ni ne puis décider ; mais ce que je sais surtout, c’est que, riche en résultats moraux comme vous l’êtes en vues profondes, en aperçus nouveaux et d’un coloris qui n’est qu’à vous, vous pouvez m’enrichir infiniment, et que vous êtes capable du noble sentiment de le vouloir, 1° parce que vous m’aimez, 2° parce que cet ouvrage n’a pas été sans quelque utilité, et qu’ainsi c’est une bonne œuvre que de le rendre le moins mauvais possible, 3° parce que Marmontel n’avait pas peur qu’un modeste client le ruinât.
Quant à la forme, je sais qu’il y a beaucoup d’incorrections, et peut-être aussi de cette obscurité, dont les écrits d’un reclus ne paraissent le plus souvent aux gens du monde, que parce qu’ils ne lisent pas avec autant d’attention qu’il a écrit. Pour vous qui savez méditer et dilucider, composer et colorier, vous qui avez l’âme et le génie de Tacite, avec l’esprit de Lucien et la muse de Voltaire