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qu'une vie en deux volumes. Quand on les a lues , \ ingt souvenirs reviennent encore. Je l'ai connu, dès la jeunesse , ce Cliamfort ; et je doute beaucoup qu'il fût digne d'être misantv ope à qua- rante ans ^ si, pour en avoir le àvo'ii^ il faut avoir aimé les hommes. Il n'aima jamais que Cliamfort: c'était un homme habile à lancer un trait d'esprit acéré , comme une arbalète chasse une flèche. Je vais en dire quelques mots, non par le besoin de médire ( il n'y eut pas plus entre nous de haine que d'amitié ), mais parle désir d'être vrai, et de bien juger ceux qui ont été désireux de paraître, V et qui ont eu la triste ambition d'être craints.

Cliamfort le fut toujours ; sa figure était char- mante dans la jeunesse; le plaisir l'altéra étrange- ment , et l'humeur finit par la rendre hideuse. Il ne montra d'abord que delà gaîté, et seulement un petit germe de méchanceté • mais ce germe ressemblait au plus petit des grains qui devient un arbre : il ombragea toute sa vie. Après un suc- cès académique , il essaya la carrière des négo- ciations ; il eut une correspondance qui ne fut remarquée que par des lettres outrageuses contre l'ambassadeur cju'il avait suivi. On peut croire qu'il revint à Paris ; et ildit que la politique n'é- tait que du liant allemand. Soit qu'on eût dégoûté M. de Choiseul de ce caractère trop acre, soit qu'on lui eût laissé ignorer ses talens, Cliamfort désespéra ou dédaigna d'être replacé , et il se dé- voua aux lettres.

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