DE CHAMFORT. 209
particulière que sous la sauve garde de la liberté publique et de l'honneur national. Eh , grand Dieu! que peuvent-ils craindre pour leurs dignités? Est-ce le tiers-état qui les leur enlèvera ? Est-ce le tiers-état qui arrivera aux places de la cour , aux grands emplois? Craignent-ils pour leurs fortunes ? N'est-ce pas un fait avéré qu'en Angleterre, les grandes fortunes territoriales des familles illustres ne datent que de la révolution de 1688? C'est le fruit du rehaussement dans la valeur des terres , effet de la liberté publique et d'un accroissement marqué dans l'industrie nationale , qui l'un et l'autre tournent toujours en dernière analyse au profit des propriétaires terriens. Je suis si con- vaincu de cette double influence , que , si on me demandait , dans la sincérité de mon cœur , à quelle classe d'hommes je crois plus profitable la révolution qui se prépare, je répondrais que cette révolution , profitable à tous , l'est à chacun dans la proportion de supériorité déjà existante où son rang et sa fortune actuels le mettent sur la grande échelle sociale. J'en excepte le clergé dont nous ne sommes pas en peine , ni vous , ni moi , et les ministres ( pour le temps , quelquefois très-court , pendant lequel ils sont ministres ) ; mais on ne se dégoûtera pas du métier : et puis on ne saurait parer à tout.
Telle est ma manière de voir cette unique et inconcevable crise. J'ai voulu vous faire ma profes- sion de foi, afin que , si ; par hasard, nos opinions
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